Stonne, le 21 mai 2017 – Journée de mémoire

Votre présence et votre participation ce jour, ici, à Stonne, haut-lieu des combats de mai 1940 est un grand réconfort et je suis sûr que les 4 100 morts au combat sur cet espace Mont-Dieu-Stonne-Tannay-Oches-Sommauthe sont fiers de constater que les Ardennais et leurs frères d’armes n’ont pas la mémoire courte, qu’ils n’oublient pas que ces combattants ont fait le sacrifice de leur vie, en mai et juin 1940, pour défendre notre sol, nos villages, notre France.
La présence de militaires de Mourmelon, de militaires de la Gendarmerie ardennaise et parisienne est pour moi à la fois une fierté et un réconfort. Je pense souvent à ces 4 100 jeunes hommes, pleins d’ardeur et de force, fauchés par la mort en 4 semaines. Je pense souvent à ces milliers de familles broyées par la douleur après avoir été longtemps pénalisées par l’existence de la zone interdite inventée par Hitler. J’en ai rencontré beaucoup dans les années 50 et 60. Les Ardennes, pour elles, étaient un lieu maudit, une terre de la mort.
Dans toutes les familles, dans tous les pays, les morts pour la patrie sont respectés, honorés. L’oubli est impensable, inhumain, indigne d’un pays civilisé. C’est pourtant ce qui arrive en France depuis presque 77 ans pour ceux de Stonne et leurs frères de combat entre Chiers et Aisne, engagés sur un front de 98 km, pendant 4 longues semaines. Le message officiel de cette année en est un nouvel exemple! Certes, il rend hommage aux combattants de 1940, ce qui semble un progrès, mais il précise ensuite lesquels : ceux de Norvège, les troupes sénégalaises massacrées près de Lyon et ceux d’une localité de l’Aisne. Je partage l’hommage aux combattants de Narvik, aux troupes coloniales, mais pourquoi limiter les combattants de 1940 à ceux d’un engagement de 3 jours près de Montcornet ? Pourquoi cette ségrégation injustifiée car ceux de Stonne, comme tous ceux d’entre Chiers et Aisne, comme tous ceux qui se sont battus courageusement portaient le même uniforme, défendaient la même patrie : la nation leur doit le même respect, le même hommage, la même reconnaissance, sans distinction ni de race ni de religion.
Si j’insiste sur cette situation inégalitaire, insupportable pour moi, c’est pour mettre en lumière la responsabilité qui nous échoit : nous sommes les rares porteurs de la mémoire de ces résistants de Stonne et des Ardennes ; nous devons donc informer, expliquer, combattre ce silence officiel volontaire. Nous sommes peut-être seuls, mais c’est notre devoir de citoyens et de citoyennes, c’est notre honneur qui est en jeu ! En unissant nos efforts, nous sommes une force de mémoire ! Nous devons l’être, tous ensemble, pour tous ces oubliés, oui, une force de Mémoire qui doit triompher des porteurs d’oubli. Mémoire et Histoire doivent être à l’unisson !
La fidèle présence du Cential de Mourmelon, porteur des traditions du 51° RI, est un réconfort ! La présence cette année de la Gendarmerie, porteuse des traditions du bataillon de chars de la gendarmerie, le 45°, le seul de France, est un réconfort ! (J’espère que cette présence se poursuivra !) La présence et la participation traditionnelle de jeunes issus des 3 pôles scolaires environnants sont un autre élément de réconfort ! Merci aux enseignants qui les informent et les entraînent. La présence de nombreux élus, la participation de la population attestent une communion de pensée pour honorer tous ces morts tombés sur notre terre où les traces de ces combats se sont cicatrisées avec le temps.
Je vous remercie toutes et tous très sincèrement de votre présence, de votre soutien, de votre participation à cette Journée de Mémoire traditionnelle. Merci de refuser la culture de l’oubli.
Au delà de cette action de mémoire, il doit y avoir une approche des horreurs de la guerre, de l’aspiration des peuples à la Paix, des vertus fondamentales que sont la Fraternité et la Tolérance, du combat contre la violence qui a envahi nos écrans, petits ou grands. Je souhaite que cette journée de Mémoire soit une journée de réflexion sur une plus large mobilisation pour la paix, pour la fraternité, pour l’égalité, contre la violence, contre le racisme et la xénophobie. Il faut savoir dépasser les rancunes accumulées. Les rescapés de Stonne, français et allemands, ont su le faire en proposant et en acceptant l’esprit de réconciliation, première étape vers l’engagement pour la paix : c’était voici 56 ans…ils étaient des précurseurs ! Que cela se poursuive en Europe et dans le monde entier !
Merci de votre attention,…………………………………………………………………………………….Michel BAUDIER