Le Chesne – Attigny

Les combats de la 36ème DI du CHESNE à ATTIGNY


Précisions :

Signification des abréviations :
x° RI = x° Régiment d’Infanterie français
IR x° = Infanterie Regiment allemand n° x
x° DI = x° Division d’Infanterie française
x° ID = InfanterieDivision allemande n° x

Les renseignements venant de documents allemands sont écrits en bleu.

Vocabulaire :
II/18° RI = 2° Bataillon du 18° RI
minen = tirs de mortier
tirs VB : tirs au fusil lance grenades

La 36° Division d’Infanterie stationnait à Arcis sur Aube, à 200 km d’Attigny. Elle est chargée d’arrêter l’ennemi sur l’Aisne et le canal des Ardennes, d’Attigny au Chesne, soit 17 km. On y distingue :
– le secteur Semuy-Le Chesne, vallée des écluses, assez encaissée, avec des forêts proches par endroits. Le terrain est assez tourmenté, peu propice à l’engagement de véhicules blindés.
– le secteur Semuy-Attigny, avec un terrain plus plat, plus découvert, plus facile d’accès aux véhicules. Davantage d’armes antichars peuvent y être placées.
Le Groupe de Reconnaissance 39 est retiré du Chesne pour organiser un barrage antichars sur la Muette, près de Condé les Vouziers.
La route Attigny-Châlons, un des axes Nord-Sud, est à la fois limite d’armée et de division. Ce n’est pas très judicieux car cela crée un point faible stratégique favorable à une percée.
Le 18° RI qui vient du secteur de Villerupt (Est de Longwy), est transporté le 7 mai en camions jusque Piney (environs de Arcis sur AUBE). Le 14 mai, il est embarqué en camions jusque THUGNY TRUGNY. Il se rend ensuite à pied jusqu’à ATTIGNY et se met en place le 15 mai. Il prend position sur le canal parallèle à l’Aisne, d’Attigny à Semuy et Rilly et joint la 14° DI à Givry.

La 36ème DI a deux divisions ennemies en face d’elle : – la 10° ID (InfanterieDivision) bavaroise à Attigny – la 29° ID rhénane à Neuville- Day (Des renforts viendront de la 26° ID du Chesne).
Le PC de la 36°Division est dans un bois près de TOGES, dans un car aménagé, ensuite au Sud de Vouziers.

Le 16 mai, en plein jour, la 5ème Division Légère Cuirassée, épuisée et morcelée, se replie derrière le canal des Ardennes, puis derrière l’Aisne. L’ennemi s’engouffre dans l’espace. La 3ème DIM doit alors faire face sur le canal des Ardennes, du Mont-Dieu à Tannay et au Chesne. (voir combats de Stonne-Tannay)
Il faut rapidement verrouiller les passages : un groupe du 16ème Chasseurs (3ème division cuirassée de réserve), des canons de 25, le groupe de reconnaissance 74 (GR), un char B1bis, une section de chars H39 interviennent en urgence et repoussent l’avance ennemie à Pont-Bar et au Chesne.

L’installation :
Les 15, 16 et 17 mai, précédée par les Groupes de Reconnaissance, la 36° DI remonte l’Aisne et le canal des Ardennes, couvrant les 23 km qui lui sont échus.
Le 18 mai, elle entre en contact avec l’ennemi. Le 14° RI est affecté au secteur Le Chesne-Neuville Day, le 18° RI, au secteur Neuville Day-Attigny, le 57° RI est mis en réserve à Grandpré.
Suite aux destructions systématiques des gares, carrefours et voies ferrées réalisées dès le 10 mai, des éléments transportés par rail errent de gare en gare, de déviation en déviation, retardant sans cesse leur arrivée au but assigné. C’est ainsi que les groupes d’artillerie (une partie !) n’arrivent que le 20 ou le 22 mai. Certains n’arriveront que début juin !!
Au 57° RI, nombre d’officiers sont affectés à l’arrière pour assurer l’instruction des troupes. Manquait-on à ce point d’officiers qu’on déshabillait des unités combattantes qui allaient être engagées ? Plus grave encore, de l’Aisne à Reims et Châlons, il n’y avait plus aucune unité de réserve !!
Une batterie de DCA est installée près de Quatre-Champs mais avec un stock de munitions insuffisant. Chaque régiment ne dispose que d’une mitrailleuse de 20 mm (au lieu de 2). Il a fallu qu’un officier fasse 300 km pour se procurer des cartes au 50 000°!
Une compagnie de pionniers est chargée de percer un layon dans la forêt des Alleux.
Un groupe d’artillerie de 105 et un de 155 L sont affectés à la division. Ils sont postés à Mazagran.
Le 22 mai, la division est rattachée au Corps Colonial dont le PC s’est installé à Senuc.

SECTEUR LE CHESNE-CANAL DES ARDENNES

Le 18ème RI assure la défense du secteur d’Attigny, de l’Aisne et du canal jusque Neuville Day.
Le 16 mai, les ponts de Neuville Day, Rilly, Semuy et Le Chesne sont dynamités par le génie divisionnaire et celui de la 5° DLC qui ne disposent que d’une faible quantité d’explosif (1 000 kg). Tout est fait pour hâter la venue des équipes sur les lieux ; la répartition des destructions est rapidement organisée : la 5° DLC prend en compte les ponts d’Attigny (canal-Aisne-chemin de fer), la 36° DI est chargée des ponts de Neuville-Day, Rilly (pont route -chemin de fer-canal et la passerelle de l’écluse du canal à Semuy). Ces destructions ont lieu entre 17h30 et 22h30. A Semuy, le pont saute au nez de deux motocyclistes ennemis. Au Chesne, c’est sous la fusillade ennemie que les hommes du génie doivent intervenir. Ils se trouvent sous les tirs venant de la rive Nord et des maisons qui s’y trouvent. Ils profitent d’un angle mort pour terminer la pose des explosifs et du cordon de mise à feu. A 21h45, le contact est mis mais le pont ne saute pas. A 22h le pont du chemin de fer saute. Finalement, le pont central saute au nez et à la barbe de groupes ennemis qui finissent par renoncer. Tout Le Chesne est en feu. Ce ne sont que flammes, fumées, effondrements de charpentes dans des gerbes d’étincelles propageant le feu aux bâtisses voisines. Plusieurs sapeurs sont blessés.
Heureusement que le char B1bis veille, accompagné d’un canon de 25 !
L’équipe du 14° RI remarque une accumulation de péniches ancrées des deux côtés du canal. Elles se touchent et se serrent sur deux à trois rangs et pourraient servir de passerelles. Durant la nuit, un bataillon les ramène toutes sur la rive Sud.
Le 17, le génie fait sauter les ponts d’Attigny (mal détruits) et les ponts et passerelles entre Attigny et Rilly.
Le 14ème RI est chargé du secteur du Chesne. Il arrive le 16 par Vouziers, Ballay, Quatre-Champs, sous un déluge de bombes lâchées par des avions ennemis qui se relaient sur le secteur : au pont de Vouziers, à la Providence (200 bombes), à Ballay, à Quatre-Champs, au Chesne à 11h. Le Groupe de Reconnaissance 39 est arrivé au Chesne avec ses antichars. Un char allemand progresse sur la route de Louvergny mais il est stoppé par un tir de 47 d’un char B1 bis (Pommard). Un char H 39 du 42ème BCC le ramène au Chesne. Il porte la lettre K du groupement von Kleist et semble être un char de commandement d’un groupe de reconnaissance de la 1ère PzDivision. L’infanterie ennemie qui occupe les maisons au Nord du canal, tente plusieurs percées, toutes contenues.
L’ennemi tient les rues du village sous le feu de ses armes installées dans les étages des bâtiments. Dès lors, le quotidien sera de fréquents tirs d’artillerie, de minen, de mitrailleuses, avec les maisons en feu, les murs et toitures qui s’écroulent, ce qui oblige les défenseurs à changer souvent d’emplacement.
Le 17, le village est la cible de l’artillerie lourde ennemie (105) à 11h, 15h, 17h mais, en face, les ripostes font mouche et calment l’ennemi. Il reste un certain nombre d’écluses, de passerelles, de péniches, de ponceaux qui peuvent permettre le passage de petits groupes. L’eau du canal a baissé.
Le 18 au matin, la partie Nord du village au-delà du canal est vide d’ennemis. Une patrouille le vérifie et ramène des armes et les papiers d’un officier tué la veille. La même situation se répète en plusieurs lieux. Le colonel donne l’ordre d’occuper cet espace et d’envoyer des reconnaissances au Bois des Moines et au Bois des Charmes.
Mais au Chesne, l’ennemi réagit : il attaque au Nord. A 15h, le groupe franc du II/14° RI réussit à gagner la sortie Nord du Chesne. A 16h, l’attaque prévue parvient jusqu’au débouché des routes de Lametz, Louvergny et Sedan. Mais l’ennemi qui s’est terré lors du passage du groupe, sort de ses cachettes et prend les hommes à revers. Le repli est difficile ; il faut ramener plusieurs blessés. De violentes contre-attaques sont lancées sur le pont central et la passerelle du chemin de fer. Tirs de minen, fusillade générale jusque 23h. Puis tout se calme, mais l’alerte a été chaude.
Le 14èmeRI lance des coups de main en divers endroits :
– au Bois des Moines (coupé par la route Le Chesne-Lametz). La 10° compagnie réussit à pénétrer assez profondément, surprend des troupes ennemies et leur cause des pertes significatives : 10 morts et blessés.
– au Bois des Charmes où les hommes se heurtent à une forte résistance et doivent se replier avec 7 à 8 blessés.
– Dans le même temps, le colonel a prescrit une action sur Neuville-Day. Elle incombe au bataillon CAZENDRES du 18° RI qui, à 14h, franchit le canal et parvient à Neuville. Il chasse l’ennemi du cimetière et des vergers environnants. Vers 18h, les Allemands réagissent en déclenchant une contre-attaque de flanc. Le commandant du 314° Régiment d’Artillerie LD posté sur le plateau de Voncq observe les combats à la jumelle. Devant le danger d’encerclement, il déclenche un violent tir qui permet au groupe du 18° RI de regagner le canal sous la mitraille de quelques avions ennemis alertés par le mouchard. Ce dernier enregistre une trentaine de tués ou blessés.
Le 19 mai après-midi, l’aviation bombarde Le Chesne en piqué : le hurlement des sirènes s’ajoute au bruit et à la fumée des explosions. Des murs s’écroulent, le village flambe… Chacun cherche à se protéger. 45 bombes tombent sur la rue principale du Chesne et la route de Vouziers. Bref mais violent bombardement de Quatre-Champs et des Alleux, lieux de passage du ravitaillement de nos troupes : 1 mort et plusieurs blessés. Nouveau bombardement en piqué sur Le Chesne.
Le 20 mai, la matinée est agitée : Voncq subit un bombardement par 105 et minen. On observe de nombreux mouvements à l’arrière.
Le 23 mai, Le Chesne est la cible d’un bombardement intensif par des 105 dès le lever du jour. Vers 9h, l’ennemi tente de s’emparer de péniches vides pour réaliser une passerelle. Quand les défenseurs français veulent se déplacer, ils entrent en pleine vue de l’adversaire, ce qui ralentit les ardeurs et l’efficacité de la défense. Mais les initiatives ne manquent pas et l’ennemi est finalement tenu en échec.
À 2h du matin, le II/14° RI est informé que 700 mines antichars lui sont adressées et qu’elles doivent être mises en place immédiatement. Réaction du commandant Raymond qui se demande pourquoi ces mines n’ont pas été livrées plus tôt. Afin d’épargner la vie de ses hommes, il décide de les faire poser la nuit suivante.
L’ennemi déclenche un violent bombardement. L’artillerie française harcèle les carrefours et les points de passage obligés. Vers 9h, un coup de main ennemi tente de s’emparer des péniches. La lutte est chaude. Les liaisons prennent du temps car les estafettes sont obligées de passer en pleine vue, de faire la course ou des plats-ventres pour tenter d’échapper aux tirs. A midi tout s’arrête car toutes les tentatives sont tenues en échec.
Le 24 mai, le bombardement ennemi reprend avec toujours des 105 et des minen. De jour, l’ennemi se tient sur les crêtes Nord avec quelques guetteurs sur le canal. La nuit, par contre, tout s’agite et nos observateurs repèrent l’exécution de travaux de défense sur la rive Nord.
Le 25 mai, tentative de franchissement du canal dans une vieille barque qui, criblée de tirs, coule avec ses occupants. Au soir, se déclenche une violente fusillade sur nos lignes, puis les mortiers se déchaînent et prennent nos positions en enfilade. La batterie de 105 s’y ajoute. L’artillerie française riposte assez tardivement mais elle calme les ardeurs de l’ennemi et apporte un puissant soutien moral aux fantassins.
L’ennemi prépare la poursuite de son attaque : IR 20 relève IR 3 de la 86° ID ainsi que des éléments de l’IR 85 à l’Est d’Alland’huy. Mais l’artillerie française se montre très active, visant les routes et tout ce qui est à découvert.
Des coups de mains français et allemands se succèdent les jours suivants, souvent très meurtriers.
Le 26 mai, un bombardier ennemi lâche, de nuit, une dizaine de bombes sur la route de Vouziers.
La nuit, le GRCA 14 posté le long du canal à droite, est relevé par un bataillon du 57° RI.
Le 27 mai, un bataillon du 21ème RMVE (35° Division) relève le bataillon du 57°.
Le PC du 14° RI à Maison Rouge est la cible de tirs d’artillerie.

29 mai – Une photo aérienne du bois de Voncq montre les pistes suivies par les agents de liaison qui ne respectent pas les consignes données. L’emplacement du PC du bataillon est facile à situer et constitue une cible parfaite pour l’artillerie ennemie. Les coupables mis devant l’évidence sont atterrés et comprennent l’utilité des consignes. Le PC est transféré au bord de la route Le Chesne-Vouziers.
30 mai
L’ennemi s’est installé sur le canal, parfois même dans les arbres, afin de mieux cibler nos fantassins dans leur trou. Des tirs de VB (lance-grenades) et de mortier en massacrent un grand nombre. Une ambulance ennemie intervient pour emmener les blessés.
L’agressivité ennemie est telle que des tirs de 75 sont demandés. Trois minutes après, des volées d’obus s’abattent sur les positions ennemies L’effet est immédiat : tout se calme.
Le canal coupe Le Chesne en deux parties ; de nombreuses maisons existent sur la partie Nord, assez proches du canal, offrant des positions de tir idéales à l’ennemi. Les effets meurtriers de cette situation n’avaient pas échappé à nos troupes qui avaient demandé des tirs de 75 afin de les détruire, sans menacer la vie de nos fantassins. Ces demandes étaient restées sans suite.

Le Chesne détruit

Le 1er juin arrive soudain l’information qu’un tir de 155 va être exécuté et qu’il faut faire évacuer les positions les plus proches. Décision jugée dangereuse, car l’ennemi risque d’en profiter pour franchir le canal …Peu importe ! Le tir s’exécute à 18h35. Il cesse à 18h45 puis reprend aussitôt plus dense. Un obus tombe sur une péniche… Explosions, écroulements, incendies, tout vole en l’air ; ces tirs de 155 cessent à 18h55. Mais les tirs de 75 suivent et les mitrailleuses tirent sur tout ce qui bouge de l’autre côté du canal. L’ennemi riposte et déclenche des tirs de 105 et de minen. C’est un concert d’explosions et de fumée. Quand tout s’arrête et que la fumée se dissipe, nos fantassins reprennent leurs emplacements et observent l’état du secteur. Bien des maisons ont été détruites à l’arrière, mais les plus dangereuses, à l’avant, sont presque intactes ! Et les tirs ennemis reprennent venant des étages de ces maisons…
7 juin : Comme rien ne se manifeste dans le secteur du Chesne (14° RI), il est décidé d’exécuter un coup de main rapide afin de vérifier l’état des préparatifs ennemis. Le groupe franc du I/14° RI franchit le canal et fouille le secteur. Déception : il n’y a personne ! Mais une violente réaction a lieu : tirs d’arrêt, fusées, rafales de mitrailleuses. Le groupe rentre bredouille avec deux blessés. Au loin, Le Chesne est toujours en feu.
7 et 8 juin : Le 18° RI demande des renforts au 14° RI. La 6° section de la 6° compagnie est envoyée.

 

SECTEUR d’ATTIGNY

La défense du secteur d’Attigny est assurée par le 18° RI.
Le 17 mai arrivent les premiers éléments ennemis à Attigny Nord. A 5h, le pont sur l’Aisne est détruit mais insuffisamment car les éléments du tablier sont restés proches et permettent le passage de fantassins. Le pont du chemin de fer sur l’Aisne, au Nord de Rilly et plusieurs passerelles entre Attigny et Rilly sont détruits.
Le 18 mai
Opération Faubourg du Moulin (Attigny)
Le 18 mai, à 13h, ordre est donné de s’emparer de la partie située au Nord de l’Aisne : le faubourg du Moulin. Le pont sur le canal est intact, celui sur l’Aisne est affaissé, brisé en deux, laissant un intervalle qui permet le passage de la troupe et même de véhicules. C’est ensuite une rue droite conduisant à la gare (400m) et au passage à niveau.
L’artillerie effectue un tir pendant 10mn qui s’arrête, puis reprend pour quelques bordées hélas non coordonnées avec la progression de la 1° section. L’ennemi mis en alerte, balaie le pont avec des tirs de mitrailleuses. Un dernier tir de notre artillerie atteint la section qui progresse : 6 morts et 8 blessés. Les rescapés attaquent, atteignent leur objectif et mettent en fuite des ennemis qui filent à moto vers Le Mont de Jeux.
Des renforts arrivent, permettent d’encercler tout le faubourg et de poser des charges sous le pont mal détruit. La situation reste stable les jours suivants.
Opération sur le Mont de Jeux
Le corps franc des I et III/18° RI sont envoyés en reconnaissance à Mont de Jeux. A 15h, la centaine d’hommes parviennent au hameau et tombent sur un groupe d’Allemands très détendus qui n’opposent aucune résistance. Les Français transforment le groupe de bâtiments en centre de résistance avec barricades et FM disposés en hérissons. Ils explorent les vergers environnants et se dirigent vers Les Grandes Ruelles, point de convergence de deux vallées. Ils découvrent alors des files ennemies marchant vers le Sud et reviennent vite au point de départ afin d’alerter leur PC. Mais ils ont été repérés et sont attaqués. Ils trouvent le corps d’un officier allemand avec sa sacoche contenant les plans des objectifs ennemis. Ils rendent compte à leur commandant, à Rilly, par téléphone, en utilisant la langue béarnaise pour empêcher les écoutes.
Le II/18° RI occupe Neuville-Day mais, attaqué par des forces ennemies très supérieures, doit se replier en combattant.
Le 19 mai, l’ennemi lance une attaque générale sur le secteur. Les Français repoussent un premier assaut mais reçoivent l’ordre de repli qui s’effectue au culot, avec un blessé sur une civière. Ils rentrent miraculeusement dans nos lignes !
La situation se stabilise les jours suivants, entrecoupée par quelques escarmouches. L’artillerie allemande est par contre très active. ATTIGNY-RILLY et SEMUY sont la cible de tirs de 105 et de 150. Nous ripostons avec les 105 et 75 sur SAINT LAMBERT et CHARBOGNE.
20 mai :
Le IR 20 (10° ID) relève le IR 77 (26° ID). Dans la nuit du 20 au 21 mai, l’IR 85 envoie diverses reconnaissances afin de localiser les positions françaises et d’apprécier les possibilités de franchissement de l’Aisne. Ils sont accueillis par des tirs de barrage venant d’Attigny et de Rilly et doivent se dérober à leurs vues. Des éléments de l’IR 20 les rejoignent les jours suivants.

La ronde des Stuka au-dessus de la région d’Attigny et des crêtes (dessin allemand)

Dans la nuit du 21 au 22 mai, après une préparation d’artillerie, la 7° compagnie de l’IR 85 attaque les positions d’Attigny Nord et contraint les Français à se replier au delà du pont sur l’Aisne. L’attaque lancée sur Attigny-Est est bloquée par les feux de la défense française. Les pertes allemandes sont si importantes que les assaillants regagnent leurs positions de départ. Par contre, l’attaque menée sur le pont et les maisons au Nord de Rilly réussit : les Français sont contraints de se replier au Sud de l’Aisne.
La partie Charbogne-Saint Lambert se trouve sous le feu nourri des Français qui capturent plusieurs groupes : antichars-mitrailleuses montées sur motos.
D’autres tentatives sont engagées par l’ennemi, notamment à la ferme de Forest. Elles sont partout repoussées avec énergie, infligeant à l’agresseur des pertes importantes en morts en en blessés.
Le 23 mai à 22h, un violent tir d’artillerie et de minen atteint le Faubourg du Moulin d’Attigny, allumant plusieurs incendies. Des attaques suivent au Nord et à l’Est toutes bloquées par l’intensité des tirs du 18° RI.
Le 24, à 2 h du matin, le bombardement recommence puis arrive une nouvelle vague d’attaques plus denses. Se sentant menacé, le groupe du 18° RI se replie derrière le pont du canal. Un tir de barrage d’artillerie bloque l’avance allemande. Les explosifs déjà en place sont mis à feu et le pont est détruit. A 7h, l’ennemi a évacué les lieux et ramassé ses nombreux morts et blessés. C’est donc un succès pour le 18° RI.
Cette même nuit, le pont de Semuy est détruit.

30 mai :
L’activité de l’artillerie française ne faiblit pas. Des obus tombent sur le château de Charbogne, PC du 20 IR, faisant plusieurs morts et blessés.
Les combats se poursuivent dans Attigny Nord et dans l’île à l’Est jusqu’au 3 juin créant des pertes importantes en hommes et en matériel. Le clocher de l’église d’Attigny est un excellent point d’observation pour l’artillerie française. Il est hors de portée de l’artillerie ennemie. Les fantassins ennemis finissent par amener un canon d’infanterie pour le détruire.

 

SECTEUR DE SEMUY

Cette même nuit du 23 au 24, le pont de Semuy est détruit grâce au courage de trois valeureux combattants.
L’aviation française bombarde les positions de l’artillerie allemande et les convois qui arrivent sur les routes, leur infligeant des pertes importantes.

Le 57ème RI (colonel SINAIS) est introduit dans la défense du canal, de Montgon à Semuy.

Des tirs d’artillerie ennemis pleuvent sur Voncq et déclenchent des incendies.
Le 28 mai, un coup de main audacieux est minutieusement préparé sur Semuy dans le but de ramener des prisonniers (demande du QG). Précédé par un court et intense tir d’artillerie, le corps franc régimentaire du 57° RI dirigé par le capitaine Chounet doit franchir le canal, pénétrer dans Semuy, le nettoyer et ramener des prisonniers. L’affaire est risquée, le capitaine ne s’en cache pas. Chacun doit être précis, discret, rapide. Six groupes sont prévus ; rassemblement à 3h50 avec les prisonniers et repli. Dans la nuit du 28 au 29, ils viennent des Alleux par la route de Voncq et entrent soudain dans l’enfer : les batteries du 24°, 224° RAD, du 11° RAC ainsi que d’un groupe de 105 déversent un déluge d’acier et de feu sur le village. Puis tout se tait. Des ombres se glissent à travers le parc du château de Voncq et atteignent le canal et les roseaux de la rive. 3h15 : les tirs reprennent ; les obus hurlent, miaulent, explosent. 3h35 : tout s’arrête. L’attaque est lancée : d’abord le chemin du halage puis c’est le village. Mais ils sont accueillis par des tirs nourris venant des caves et des maisons. Les hommes progressent en utilisant les FM et les grenades, or ils sont la cible de tirs venant des fenêtres des étages ; plusieurs sont blessés. Certains débouchent derrière un groupe ennemi se préparant à contre-attaquer et le fauchent avec leurs FM. Quelques-uns sont capturés et emmenés. Le sergent-chef Coudrin anéantit un autre groupe avec son FM. Des maisons sont prises d’assaut, nettoyées au corps à corps. Mais les pertes sont lourdes : il y a de nombreux blessés qu’il faut ramener et le capitaine Chounet a disparu. 3h53 : c’est l’heure du repli : il faut faire vite. Le canal est franchi à 4h. Certains regagnent les hautes futaies et parviennent aux Alleux. D’autres se camouflent en veillant sur les blessés qui sont évacués au plus vite. Quelques-uns remontent sur Voncq avant de rejoindre les Alleux. Dure épreuve qui resserre toutefois le groupe. Tous pleurent leur chef et se remémorent ses conseils avisés. Ils apprendront plus tard qu’il avait écrit une lettre d’adieu à son épouse avant son départ…
Ce coup de main est tombé sur deux compagnies du IR 78 qui explorent la partie Nord du village alors inoccupé. La 7° Compagnie (Kie) occupe le village et résiste aux attaques françaises. La 5° Kie occupe la partie Est et la 6° remonte jusqu’au moulin de la Tortue : une maison, une écluse et un pont dynamité. Elle est soudain accueillie par des tirs de FM venant du moulin. Elle fait alors demi-tour et revient vers le village où elle tombe sur le groupe Chounet. Le compte-rendu allemand indique le grand nombre de tués de part et d’autre et signale la présence parmi eux d’un capitaine français. Ils estiment à 2 000 les tirs exécutés par l’artillerie française sur le village qui n’est plus qu’entonnoir sur entonnoir.

L’activité ennemie s’accroit en juin. Voncq et Rilly semblent particulièrement être pris pour cibles. Les pertes s’additionnent. Notre artillerie réplique ; les observatoires sont multipliés afin de pouvoir tirer à vue.

Témoignage de Pierre Portejoie :
La 7° compagnie du 18° RI est en position dans un petit bois dominant à pic le canal de l’Aisne : le Bois des Falaises, à mi pente, entre Attigny et Rilly. Les hommes sont dans des abris creusés dans la pente, bordés de sacs de terre. Avec leurs FM, ils dominent toute la vallée de Semuy à Mont de Jeux. Fin mai-début juin, ils causent des pertes importantes aux reconnaissances ennemies et à toutes les tentatives de franchissement. Mais ils forment aussi d’excellentes cibles pour l’artillerie ennemie.
Le 9 juin, une première attaque est repoussée faisant de nombreuses victimes. Mais le soir suivant l’aviation intervient, mitraillant et bombardant tout ce qui est repérable, puis c’est au tour de l’artillerie avec une densité de tirs inimaginable.
« Terrés, recroquevillés, nous sentions le souffle des obus nous brûler le visage : La fumée nous suffoquait ; aveuglés par les explosions, la gorge serrée… seule la peur domine, le cœur bat la chamade, le souffle est court, le cerveau explose. »
A l’aube du 10 juin survient une fumée inquiétante : les gaz ? Vite, les masques ! Erreur ! Ce sont des fumigènes qui dissimulent les vagues d’assaut ennemies. Les lance-flammes détruisent les réseaux de barbelés mis en place. « Toute la journée, nous nous battons, tiraillant, jetant des grenades ». Au soir arrive l’ordre de se regrouper en haut de la falaise. Parcours très dangereux : il y a de nombreux tués et blessés. Parvenus au sommet, on se faufile dans un champ de blé, puis dans un fossé qui nous conduit jusqu’à l’église de Chuffilly. D’une compagnie d’environ 150 hommes, ils se retrouvent à neuf !

L’offensive allemande

Jusque là, les deux divisions ennemies positionnées sur la rive droite de l’Aisne, ont adopté une attitude plutôt défensive, entrecoupée de contre-attaques testant la valeur de la résistance française. Mais on sent qu’une attaque générale ne va pas tarder. Chaque jour, du matin au soir, le mouchard est présent, observant tout mouvement, renseignant l’aviation et l’artillerie en permanence.
C’est pourquoi le colonel a mis en ligne les trois régiments, chacun ayant deux bataillons en premier échelon et un en réserve. Chaque régiment couvre environ 6 km d’un terrain propice aux infiltrations. Ainsi étirée, la défense ne peut être qu’un rideau assez fragile. Pour renforcer la défense, le colonel fait procéder à la pose de mines, à la destruction de certains passages, au renforcement de certaines défenses, à la multiplication des observatoires. Il recommande à l’artillerie les tirs à vue.

Voncq occupe une position stratégique : on y domine la vallée de l’Aisne jusqu’à Vouziers et la vue porte loin au Sud, jusque Mazagran. Chacun des belligérants veut donc en avoir la maîtrise.
Les trois régiments tiennent toujours les mêmes secteurs : 14° RI : Le Chesne-Montgon, 57° RI : Montgon-Neuville Day et le bois de Voncq, 18° RI : Semuy-Attigny.
Le GRDI 39 est près de Condé les Vouziers où elle organise un barrage antichars sur la Muette dont les berges sont en cours d’aménagement.
L’artillerie dispose de
…….– 3 groupes de 75 au 24° RAD)
…….– 3 groupes de 75 au 314° RAP) soit 8 groupes de 75
…….– 2 groupes de 75 au 99° RA (ex 45° RA de la 71° DI)
…….– et 2 groupes de 155 Court du 224° RAD
S’y ajoute un ensemble mis à disposition par le Corps d’Armée Colonial :
…….– un groupe de 105 du 11° RAC
…….– un groupe de 105 Long 17 du 11° RAC
Un groupe de 155 GPF (Grande Puissance Filloux) est en position près de Ballay.
Une batterie de 220 Campagne est installée près de Maison Rouge, prête à détruire, si besoin, la digue de l’étang de Bairon. Une batterie de 25 (DCA), initialement à Quatre-Champs s’installe sur la rive gauche de l’Aisne.

Le 5 juin, une grande offensive allemande débute sur la Somme.
En cas de repli français, le XVIII° AK (Corps d’armée) prévoit de développer l’attaque sur l’Aisne et le canal. Des objectifs sont fixés :
– pour le 20° IR : attaque sur Attigny-Sainte Vaubourg :
III/IR 20 Briqueterie Attigny Est
II/IR 20 ile à l’Est d’Attigny
I/IR 20 : en réserve au Nord d’Ecordal
– pour le 85° IR : attaque sur Rilly et les hauteurs Sud Est.

 

Secteur d’ATTIGNY

Dans la nuit du 5/6 juin, des patrouilles interviennent sur tout le front afin de tester la résistance française. Les Français, alertés, n’ayant déclenché aucune réaction violente (artillerie-mitrailleuses-mortiers), l’ennemi en conclut que la résistance française est affaiblie. Un ordre d’attaque est donc donné pour le 6 juin 7h30. Sur l’île, à l’Est d’Attigny, se déroulent de violents combats. Les Français repassent le canal mais leurs tirs croisés obligent l’ennemi à s’enterrer sur la rive Nord du canal. L’IR 20 accuse de lourdes pertes.
Une concertation a eu lieu au niveau de la 10° ID. Plusieurs mesures sont prises : le renforcement des unités avant toute nouvelle attaque, le renforcement de l’artillerie par 15 batteries légères et 4 batteries lourdes de l’artillerie divisionnaire, une plus forte dotation en canots pneumatiques, la présence de lance-flammes et de moyens complémentaires en cas de combat rapproché.
6 juin – 23h: Un groupe ennemi franchit l’Aisne à hauteur de la sucrerie d’Attigny. Il est accueilli par le II/18° RI qui fait 9 prisonniers.
Le 7 juin à l’aube, un groupe ennemi franchit l’Aisne, face à la sucrerie, et s’installe entre la rivière et le canal, malgré de lourdes pertes causées par les tirs de notre artillerie. Voncq est pilonnée par des tirs d’artillerie de gros calibre. On sent que l’ennemi se prépare à attaquer.
8 juin
L’attaque ennemie est préparée de manière minutieuse, les axes d’attaque de chacun sont fixés ainsi que les objectifs à atteindre. Du matériel complémentaire est mis à disposition : sacs flottants, canots pneumatiques. Les liaisons sont prévues soit en filaire soit par radio.

ruines Place d’Attigny

Des consignes pleuvent des divers états-majors car on s’attend à une attaque importante. Les stocks de munitions sont complétés ; les positions sont confortées. Des reconnaissances ennemies relèvent les possibilités de franchissement du canal avec des canots pneumatiques et des passerelles.
Pressentant l’attaque ennemie, le général Aublet ordonne un pilonnage massif des rives de l’Aisne et du canal par l’artillerie.
Le seul 24° Régiment d’Artillerie Divisionnaire posté sur la rive gauche de l’Aisne tire 8 500 obus au cours de cet après-midi ! Le soir, les va-et-vient des lumières de voitures – sans doute sanitaires- au Nord de l’Aisne montrent que ces tirs ont du faire des dégâts.
Dès que la nuit tombe, il règne un silence impressionnant.
dimanche 9 juin
A droite, la 86° ID attaque Givry. A gauche, la 26° ID attaque Semuy puis Voncq.
L’artillerie de Corps d’Armée se joint à celle de la 26° Division.
Le 18° RI subit une attaque de grande violence. Le bombardement commence vers 3h30. La vallée est emplie de brouillard et de fumigènes. Impossible de voir à plus de dix mètres jusqu’à 5 ou 6h du matin. C’est un déluge de tirs venant de tous côtés.
Afin d’assurer des liaisons sûres, le téléphone filaire a été remplacé par des liaisons radio opportunément prévues et installées par le service des transmissions (capitaine Tournié).
Des groupes de bombardiers se succèdent, lâchant leur cargaison de bombes sur les villages et les carrefours. La DCA en abat quelques-uns.
Vers midi, l’ennemi n’a pas pu s’emparer de la Briqueterie mais il a coupé la 7° section en deux sans la faire reculer. Il la bombarde alors avec du gros calibre. En début d’après-midi, elle reçoit des renforts du I° Bataillon venant de Sainte Vaubourg. Elle reprend pied dans la Briqueterie et finit par se replier le soir sur Attigny. Les défenses sont renforcées par un groupe de mitrailleuses. A la tombée de la nuit, la 6° compagnie pose des mines antichars à la sortie Est d’Attigny. Toutes les attaques lancées près des ponts détruits ont échoué.
De cette sorte, l’accès à Attigny et à la route de Châlons sont toujours interdits à l’ennemi.

L’ennemi prépare une passerelle au-dessus du canal – (secteur de Rilly)

Des crépitements se répètent tout le long du canal que l’ennemi tente de franchir. L’attaque est lancée par le 20° IR avec lance-flammes, DCA et antichars.
Des colonnes innombrables descendent de Saint Lambert se dirigeant vers Mont de Jeux, la ferme de Forest et Rilly défendus par les 9° et 10° compagnies. A midi, l’ennemi a pris pied sur la rive Sud du canal et pousse son avance en direction de Voncq. Le 39° IR (10° ID) parvient à franchir l’Aisne et attaque la ferme de Forest. De violents combats s’y déroulent. La 10° compagnie résiste dans le bois et la ferme. Une quinzaine d’ennemis sont capturés.
Cependant l’ennemi contourne les lieux et se dirige vers l’arrière de Rilly et Voncq dans le but d’encercler tous les points de résistance français. La 9° compagnie est menacée d’encerclement dans Rilly.
Un second groupe d’assaut ennemi réussit à franchir l’Aisne et à s’établir entre la rivière et le canal. Mais la précision des tirs de l’artillerie française les oblige à se retirer. Une nouvelle attaque effectuée par deux compagnies parvient à s’accrocher au pied d’un escarpement.
Le I/18° RI subit de lourdes pertes. Une poche importante se crée entre le 18° et le 57° RI. Le calme ne revient qu’à partir de 20h. Une tentative de franchissement du canal a lieu devant Rilly et à l’Est d’Attigny.
L’ennemi attaque également sur ATTIGNY-NEUVILLE DAY tenus respectivement par les II° et III°/18° RI de Cazendres et Rogeart ainsi que le I/57° RI du capitaine Roussenque.

 

Secteur de SEMUY – VONCQ

L’IR 39 de la 26° ID vient renforcer le secteur de Semuy en vue de l’attaque générale qui se prépare. Il vient de Sauville où il a participé aux attaques sur le Mont Dieu.
Dans le secteur du canal des Ardennes, les Français ont face à eux deux régiments appartenant à la 26° ID :
– IR 39 entre Semuy et Neuville Day
– IR 78 autour de Neuville Day. C’est le baptême du feu pour cette unité. C’est à lui qu’il incombe d’atteindre Vandy et de conquérir la rive droite de l’Aisne.

Côté français, le 4° BCL (Bataillon de Chars Légers) en réserve, est mis à la disposition de la Division. Il se compose de 45 chars répartis en 3 compagnies de 13 chars : la 1° compagnie se trouve dans la forêt de La Croix aux Bois, la 2° près de Briquenay, la 3° en réserve près de Toges.

Le 9 juin
L’ennemi veut percer entre Semuy et Rilly et prépare un plan d’attaque précis avec appui de l’aviation. Y participent les 39° et 26° IR.
L’artillerie ennemie déclenche un intense pilonnage sur tout le front, y compris sur les arrières. A 5h arrivent des avions de bombardement qui lâchent leurs bombes çà et là sans beaucoup d’effet. Ils bombardent le PC de la division dans le bois de Toges et le centre de transmission proche où 4 sapeurs sont tués.
Puis un barrage d’obus fumigènes est déclenché tout le long du canal vers 4h15.
Passant sur des bateaux pneumatiques ou des passerelles de fortune, les fantassins du 78° rhénan traversent la vallée du canal et montent à l’assaut des positions françaises sur un axe Neuville-Day => Voncq. Comme les points d’appui français sont assez espacés vu le manque d’effectifs, l’ennemi s’infiltre assez facilement.

église de Voncq

Le I/57° RI du commandant Roussenque qui se défend avec acharnement, est en plein axe d’attaque et résiste au prix de lourdes pertes. Le lieutenant Corde (2° compagnie), le sous-lieutenant Ramade (3° compagnie), le sous-lieutenant Malet (CA) se font tuer sur place.
Le II/57° RI ne subit cet assaut que sur une partie de ses positions. La densité de ses feux bloque la progression de l’ennemi et l’empêche d’atteindre le Bois de Voncq convoité, malgré diverses relances, toutes sans succès.

A 4h45, l’ennemi franchit le canal près de Semuy, gravit la pente et attaque le mur du parc du château de Voncq.
Il attaque ensuite le village où il rencontre une résistance plus rude que prévue. L’église est un centre de résistance imposant : champs de mines sur deux côtés, fossés, tireurs dans toutes les ouvertures. Plusieurs attaques échouent, y compris avec un antichar. Elle est attaquée au lance- flammes et finalement avec des paquets d’explosifs qui l’éventrent. 90 prisonniers français sont capturés. (éléments non confirmés)

Plus au Sud, la ruée ennemie progresse, dépasse le Bois de la Brouille sans perdre de temps pour le conquérir, s’approche du PC du I/57° RI qu’elle dépasse vers 6h30. Les éléments du PC tentent de résister mais, encerclés, ils sont capturés. Le capitaine Roussenque est tué en organisant la défense.
Voncq est conquis. Les colonnes d’attaque poursuivent leur avance jusque Terron et Vandy.

Le colonel SINAIS (57° RI) organise une contre-attaque en demandant des renforts au 14° RI du Chesne, aux chars FCM du 4° BCL qui se trouvent près des Alleux et en rassemblant tout ce qui et disponible : pionniers, secrétaires, téléphonistes et autres.
A 5h30, la 1° compagnie de chars mise à la disposition du 57° RI à 5h30, s’engage sur la route qui traverse le Bois de Voncq. Elle parvient en lisière de la forêt où elle est accueillie par des tirs nourris venant de sa droite. Une attaque est lancée avec le corps franc du 57° RI. Elle démarre à 9h30 avec 9 chars. Ces chars accompagnés de fantassins prennent la forêt layon par layon et à 10h30 la lisière Sud est atteinte et le bois nettoyé. De nombreux ennemis sont capturés. Le I/78° IR y subit de lourdes pertes et abandonne un matériel impressionnant.
Une section de trois chars est envoyée vers Terron. Le reste, cinq chars, poursuit sur le plateau en direction de Voncq, mais cette fois, totalement à découvert. Ils sont la cible de nombreux antichars. Deux chars sont détruits et un 3° renversé. La contre-attaque se poursuit avec les deux chars intacts qui, avec des fantassins, reprennent Voncq et encerclent plusieurs groupes isolés qui se rendent.
Le corps franc du 57° RI (capitaine Le More) a organisé un point d’appui au château. Il est l’objet d’attaques ennemies incessantes. À 15h, trois chars viennent le dégager et l’aident à gagner le Bois de la Brouille où ils rejoignent d’autres défenseurs qui résistent.
A 16h, un bataillon du 77° IR vient à la rescousse du 78° IR. Mais pris de flanc par des tirs de nos positions, il reflue et repasse le canal. Des groupes de prisonniers français parqués en forêt sont libérés. Au soir, 572 prisonniers allemands sont rassemblés aux Alleux.
Vers 18h, des tirs d’artillerie ennemie préparant une contre-attaque du 77° IR obligent les occupants du Bois de la Brouille à se replier sur Voncq où ils viennent renforcer la défense. Les rangs se sont éclaircis, pas de renfort, pas de relève et la fatigue est extrême. La chaleur accablante, le manque d’eau, une nourriture très insuffisante réduisent la résistance des hommes qui ont toutefois une volonté farouche de résister.
Le général AUBLET, commandant la 36° division, demande des renforts en vue de lancer une contre-attaque destinée à reprendre le terrain perdu. Les Spahis algériens et marocains du général Gaillard (PC à Chestres) sont mis à sa disposition. La contre-attaque est déclenchée au début d’après-midi. Elle progresse lentement mais finit par reprendre Voncq. Plus de 350 prisonniers sont capturés (10° ID et 26° ID). De nombreux cadavres gisent sur le terrain. Les pertes du Bataillon Denef sont très lourdes (1/3 à la 11° compagnie).
L’arrivée des Spahis qui viennent de Terron est un puissant réconfort. Au I/57° RI, il ne reste que 2 officiers et vingt-cinq hommes qui reformeront une section. Le III/57° RI remplace le I/57.

Passage de l’écluse de la tortue

L’attaque du 78° IR s’est faite selon trois axes, chacun réservé à un de ses bataillons : le premier, au Nord, doit conquérir le Bois de Voncq. Il a échoué et l’a payé cher ! Le second a Vandy comme but; le troisième, le plus au Sud, doit conquérir Terron et ses environs. Ces deux dernières colonnes poursuivent leur avance à rythme accéléré. Un drapeau à croix gammée flotte quelques instants sur une éolienne entre Terron et Vandy mais les tirs de la 18° batterie, rive gauche de l’Aisne, qui l’a vite repéré, le font rapidement disparaître. VANDY a été organisé en point de résistance par le chef d’escadron Harispe du 5° groupe d’artillerie du 274° RALD. Ses pièces sont postées près du chemin de Malva. Un barrage a été établi à l’entrée Nord de Vandy avec des FM et des mitrailleuses judicieusement camouflées pour briser toute attaque. Vers 6h30, à la levée du brouillard, ils aperçoivent à la jumelle les troupes ennemies dévalant de Voncq. A leur approche, vers 7h30, ils ouvrent le feu. Mais l’ennemi les contourne. Les défenseurs se replient alors sur l’Aisne qu’ils traversent à la nage pour rejoindre leurs camarades à Vrizy.
L’ennemi aborde les batteries qui se défendent courageusement. Quelques artilleurs sont contraints d’abandonner leur pièce après l’avoir sabotée, comme le prévoit le règlement. Ils se postent ensuite le long de la route de Quatre-Champs, en surélévation, et résistent jusqu’au début de l’après-midi. Le chef d’escadron est grièvement blessé ; l’arrivée de Spahis leur permet de se joindre à l’attaque, de réoccuper leurs positions et même de faire une vingtaine de prisonniers. Les Spahis poursuivent leur avance. Le 2° Spahis algériens progresse assez facilement dans les bois de Vandy. Le 2° Spahis marocains doit livrer de durs combats à Vandy et Terron. Il est rejoint par deux escadrons du groupement Gaillard. Terron est repris à 15h30. A 18h, ils font leur jonction avec le 57° RI et les chars FCM devant Voncq.

12t – canon 37 – 2 hommes

La 3° compagnie du 4° BCL, en réserve dans les bois de Toges, est appelée aux Alleux à 7h30. A Quatre-Champs, un contre-ordre l’envoie sur Vandy-Terron-Les Alleux. Elle quitte Quatre-Champs à 9h45 et débouche sur Vandy. L’apparition de 13 chars met en fuite la 10° Kie de l’IR 78 dont les hommes se réfugient dans les maisons. Les chars ne les remarquent pas et poursuivent sur Terron où ils délivrent les blessés français parqués dans le cimetière – Ces derniers croyaient voir arriver des chars ennemis ! Ils prennent ensuite la route des Alleux. En début d’après-midi, la 3° compagnie reçoit l’ordre de nettoyer Terron et de dégager l’artillerie à Vandy. Deux sections traversent Terron, couvertes par les feux des deux autres. Elles fouillent les vergers, faisant la chasse aux isolés. Les fantassins du 57° RI ratissent les maisons, sans beaucoup de succès. Deux chars reviennent dans Terron et arrivent à temps pour dégager le groupe franc du 14° RI menacé par une avance allemande. Les Allemands sont désorientés en voyant des chars venir de partout : beaucoup se rendent. Une soixantaine de prisonniers sont ainsi rassemblés.
Les chars qui ont pris la route des Alleux tombent sur des groupes ennemis refoulés de Vandy, les mitraillent et leur causent des pertes importantes.
Le groupe de chars parti vers Vandy parvient au village dont le 2° Spahis marocains assure la défense. Ils parcourent ensemble les vergers environnants et pourchassent les ennemis qui s’y dissimulent. 2 chars et des cavaliers à pied nettoient les environs de la ferme Malva ainsi que les bois à l’Est. De nombreux Allemands désorientés se rendent. Vers 16 h, ces chars reviennent à Terron, point de ralliement.
Avec le 2° Régiment de Spahis Marocains, ils voudraient se rendre à Voncq où la situation est confuse. Mais lorsqu’ils arrivent aux abords de Voncq, la nuit est déjà tombée. La 3° compagnie retourne stationner dans les fermes au Nord de Terron.

L’appui des chars a été déterminant tout au long de la journée. Mais le commandant Laparre de Saint Sernin regrette d’avoir perdu le pilotage de son unité. Les interventions sont conditionnées par les demandes des uns et des autres, sans coordination, de manière assez isolée ce qui n’est pas facteur de réussite. Le bataillon a perdu son âme, mais les cavaliers ont toujours la volonté de vaincre, ce qui est essentiel vu la situation.
Une tentative d’attaque sur le secteur compris entre les pentes de Voncq et la partie Sud Est de Semuy échoue. Des renforts sont appelés par radio. Au bas de la colline, le long de l’Aisne, un groupe profite de la brume et de la fumée des éclatements d’obus pour se glisser le long de l’Aisne. L’arrivée de cette attaque surprise permet de conquérir le pont intact. Les troupes françaises sont repoussées jusqu’au pont du canal. Mais la poursuite est impossible car l’espace à parcourir est en pleine vue des tireurs de tout le secteur.
Le groupe franc du I/18° RI (sous-lieutenant Labarthe) installé au café de la Gare, s’oppose énergiquement à toute progression ennemie, appuyé par les défenseurs du canal. Mais les forces sont trop inégales, les renforts impossibles et le danger croissant. Il faut dynamiter le pont du canal ! C’est le caporal LE NET qui en est responsable. Alors qu’il prépare la mise à feu de la mèche et devant la pression ennemie, il la réduit tellement qu’il saute avec le pont. Son acte de bravoure galvanise le corps franc qui interdira encore pendant quelques heures le franchissement du canal.

Certains groupes (allemands) poursuivent leur avance jusqu’au Sud de Loisy .
Plus à l’Ouest, le canal est traversé avec des canots pneumatiques ce qui permet l’encerclement des troupes françaises qui résistaient encore au-dessus de Rilly-Semuy.

9 juin : Le 14° RI subit les mêmes bombardements que partout ailleurs mais aucune attaque n’a suivi. Il peut ainsi envoyer plusieurs sections en renfort au 57° RI.
3h30 : Violents bombardements. 4h30 : arrivée de bombardiers qui lâchent leurs bombes et retournent faire le plein. Les vagues se succèdent de 5mn en 5mn prenant surtout les batteries du régiment comme cibles.
Des chars et des engins blindés ennemis se rassemblent dans le secteur du lac de Bairon. Des mines antichars sont posées sur toutes les routes au Nord du Chesne. Mais aucune attaque de blindés ne se produit.
Le 14° RI intervient sur Les Alleux où des ennemis se sont infiltrés. Il est appuyé par 2 chars FCM qui se montrent très efficaces. Le contact est pris au bas de la côte qui descend de Voncq, non loin du Pavillon de chasse. L’officier commandant le groupe ennemi étant grièvement blessé, ses hommes perdent pied et les Français font 63 prisonniers. (témoignage Marcel PEYRE)
Les pertes sont rudes mais l’ennemi ne parvient pas à élargir le territoire conquis.
Côté Semuy, des renforts ennemis arrivés vers 16h (77° IR) sont mis en déroute et refluent sur le canal.

Le colonel commandant le 78° IR doit faire face à de nombreuses difficultés :
– des bataillons très en flèche mais sans communication avec l’arrière,
– la radio qui ne fonctionne pas et qui l’empêche d’être renseigné,
– des munitions qui se raréfient alors que les contre-attaques françaises se multiplient,
– la permanence d’ilots de résistance paralysant les mouvements de la troupe,
– le manque d’aide de la division,
– des hommes épuisés, le manque d’eau,
– le nombre important d’officiers tués ou blessés,
– le manque d’appui de l’artillerie vu l’éparpillement des groupes,
– le retour d’isolés démoralisés, catastrophés.
Il veut préserver une partie du terrain initialement conquis et décide une contre-attaque pour récupérer la crête du Moulin à Vent, au-dessus du Bois de la Brouille. Elle a lieu à 23h et réussit en partie car il reste des groupes de Français isolés avec des armes lourdes qui se défendront parfois jusqu’au 11 juin.
Les pertes du régiment se montent à : 9 officiers tués ainsi que 166 hommes, 13 officiers blessés ainsi que 406 hommes, 5 officiers disparus ainsi que 496 hommes (124 rejoindront les jours suivants), 5 officiers prisonniers et 372 hommes. (1)
– Le 78° IR a subi de telles pertes et de si nombreux prisonniers qu’il est relevé et remplacé par le 2ème Régiment de Police SS.

(1)Le général Förster après avoir décoré le colonel commandant le 78° IR de la Croix de Fer lui reproche dans un rapport officiel d’avoir été incapable de remplir sa mission. A la lecture de ce document, le colonel proteste et demande une enquête, affirmant que Förster lui avait refusé tout renfort. L’enquête remonte au général von Manstein, co-auteur du plan Faucille. Après avoir demandé de nombreuses explications à Förster et s’être renseigné sur la configuration du terrain, il lui reproche de n’avoir ni aidé ni suivi le 79° IR tout en maintenant les reproches faits initialement. Förster recevra le commandement d’un REGIMENT de dépôt et finira par être mis en demi-retraite. Il a tout de même été promu général de brigade en 1943.

Le II/85° IR franchit le canal à l’aube et engage de violents combats. Notre troupe se bat à la grenade et à l’arme blanche. Un groupe arrive du bois de Voncq et découvre, quand la brume se lève, un groupe de Français dans un bois tout proche. Il se lance à l’attaque et fait 30 prisonniers. Le chef du groupe les oblige à venir vers lui les mains levées, ce qui empêche les Français des environs d’utiliser leurs armes.
Pendant ce temps, le II/85° IR s’empare de la ferme de Forest. Le III/85° IR suit et renforce la conquête de la côte du Pressoir (cote 130) au Sud de Rilly.
Dans Rilly, le I/41° IR s’empare du village maison par maison ardemment défendues par le 18° RI. En face, au Mont de Jeux, les combats font rage. Le I/85° IR parvient à passer l’Aisne mais est ensuite bloqué par les tirs de l’artillerie française auxquels s’ajoutent les tirs venant de Semuy. Mais Rilly conquis, le II/85° IR réussit à passer le canal.

L’ennemi (41° IR) parvient à pénétrer dans la boucle de Rilly. Nos mitrailleuses et fusils mitrailleurs sont détruits un à un. L’ennemi se glisse vers SEMUY et élimine peu à peu les défenseurs (50 % de pertes à la compagnie Portal). Pris à revers, le III/18° RI insuffisamment nombreux, ne peut empêcher de nombreuses infiltrations ; l’ennemi arrive même au contact direct du I/18° RI.
Nos artilleurs martèlent inlassablement tous les points de passage sur l’Aisne. Malgré cela, des infiltrations ont lieu dans le secteur de ROCHE. La faiblesse de nos effectifs ne permet plus une résistance efficace : 3 chefs de section sur 5 sont tués. Des tentatives de contre-attaques échouent.

La journée s’achève avec des pertes élevées dans nos unités, plus importantes chez l’ennemi qui laisse 600 prisonniers entre nos mains. Au cours de la nuit, les trainées lumineuses des va-et-vient de voitures sanitaires ennemies montrent qu’elles ont fort à faire pour ramasser les tués et les blessés.
A 22h, rien n’a bougé, ni au Chesne, ni à Attigny toujours inviolé, ni dans la forêt de Voncq. L’ennemi a créé une poche derrière Rilly jusqu’à Roche et s’est infiltré au pied de Voncq, le long de l’Aisne.
Vu la masse des troupes et du matériel engagés, vu l’appui important de l’aviation, c’est un échec pour l’ennemi qui pensait enfoncer nos lignes.

10 juin
Le canal est à sec. Dans le secteur de Semuy-Voncq, le bombardement reprend à l’aube et ne cessera pas de la journée.
Voncq s’étire sur plus de 500 m de long. Au Sud et à l’Ouest, ce sont des jardins et des vergers. Pendant deux jours, Français et Allemands sont côte à côte, abrités dans une bâtisse ou dissimulés dans les buissons, participant aux attaques et contre-attaques qui se succèdent. De ce fait, il règne une grande confusion.

La 1° Compagnie du 4° BCL est aux Alleux. Après avoir fait les pleins de gasoil et de munitions, elle reprend la route de Voncq. A l’aube, au débouché de la forêt, les cinq chars découvrent des vagues ennemies qui descendent de Neuville Day, franchissent le canal au Moulin de la Tortue et montent à l’assaut du plateau.
Deux chars se positionnent afin de les refouler. Mais ils sont rapidement pris pour cible par de nombreux antichars ennemis.
Deux chars sont détruits dont celui du sergent De la Myre Mory, député du Lot et Garonne, engagé volontaire.
Il est tué et sera enterré au bord de la route des Alleux. Son camarade est blessé.

char du député de La Myre Mory

Les trois autres chars poursuivent leur chemin vers Voncq où ils se joignent à la 3°compagnie et au 57° RI pour procéder au nettoyage du village ainsi que des poches de résistance autour de Voncq mais ils sont la cible de nombreux antichars. Une cinquantaine de prisonniers sont rassemblés.
L’un des chars disparaît au Bois de La Brouille.
Un antichar détruit à nouveau un des chars en action. Il ne reste alors qu’un char de la 1° compagnie. Vers midi, le reste de cette 1° compagnie se replie vers Les Alleux : deux chars dont un qui a été rapidement dépanné.
La 3° compagnie du 4° BCL met en ligne onze chars ce 10 juin au matin. Elle quitte Terron à 2h45 et gagne le pied des pentes de Voncq pour renforcer une attaque de cavalerie du groupement Gaillard. L’opération démarre à 4h et se heurte aussitôt à une vive résistance venant des maisons et des pentes arrières. Il faut tout nettoyer pied à pied, maison par maison. Les chars se dispersent pour accompagner l’infanterie dans tout le village. Vers 9h, elle est rejointe par les restes de la 1° compagnie et nettoie les vergers du Nord-Est et de l’Est. L’ennemi se replie.
Vers 11h survient un violent bombardement du village suivi d’une nouvelle attaque ennemie. Les fantassins sont obligés de se replier sur Terron.
Vers midi, un intense mouvement de camions entre Neuville et Day indique que des rassemblements sont en cours à Neuville Day. Ils sont pris pour cible par notre artillerie.
Dans Voncq, c’est un enchevêtrement entre Français et Allemands engendrant beaucoup de confusion et empêchant toute intervention de l’artillerie.
Les huit chars et le corps franc du capitaine Le More protègent une barricade établie à la sortie Nord du village. Mais le capitaine est blessé et la fusillade est telle que ses hommes sont contraints de se réfugier dans les bâtiments environnants. Les chars restent seuls de 12h à 20 heures.
Vers le soir, l’ennemi amène un antichar habilement dissimulé dans les ruines. Il est hors de portée des chars qui gagnent le chemin de traverse vers Terron. Une dernière aide leur est demandée pour réduire une mitrailleuse postée en hauteur. Les chars font demi-tour, le char Ledrappier en tête. A peine en vue, il est détruit et s’enflamme. Impuissants et exposés, les autres font un nouveau demi-tour et reprennent la route de Terron.

Les attaques ennemies reprennent très vite, cette fois sur l’ensemble du front. Le 77° IR à l’Ouest, le 39° IR à l’Est.
Le 57° RI assure toujours la défense du Bois de Voncq. Le 39° IR dévale des pentes de Neuville Day et gravit les pentes menant vers le plateau de Voncq. Il se heurte au II/57° RI qui l’accueille avec un feu nourri d’armes lourdes, fauchant littéralement les premiers rangs.
A 17h30, l’ennemi déclenche un intense bombardement sur la lisière Nord du bois de Voncq et les carrefours du secteur. Le mouchard surveille sans cesse les mouvements des troupes françaises. L’attaque se déclenche à 18h15. Elle débouche des bois Masque, de la Plaine et de la Brouille et progresse sur le plateau à l’Ouest du bois des Etots. C’est le 111/57° RI, en forêt de Voncq, qui subit le choc. L’ennemi parvient jusqu’au Pavilllon de chasse, à mi-chemin des Alleux, qui est momentanément repris par une contre-attaque lancée avec les éléments que le Bataillon Roussenque a rassemblés. Plusieurs groupes ennemis à court de munitions sont capturés.
A Voncq, c’est toujours très mouvementé : combats de rue, de maison, de tranchées. Des ilots de résistance luttent jusqu’au soir, noyés par le flot des assaillants. Des éléments du corps franc et de la 3° compagnie se défendront jusqu’au 11 juin 8 heures.
En fin d’après-midi, deux chars reçoivent la mission de couvrir le décrochage du 57° RI prévu à partir de minuit. Le régiment reçoit l’ordre de se replier sur le village de Sugny, au Sud-Ouest de Vouziers.
Le 11 au matin, la 1° compagnie rejoint Quatre-Champs.

Le 4° BCL a perdu 5 chars sur onze à la 3° compagnie, trois sur cinq à la 1° compagnie Il compte une quinzaine de tués, blessés ou disparus.

La 2° compagnie est prévue en soutien de la 35° Division d’Infanterie. Elle stationne près de Thénorgues puis de Verpel du 23 mai au 8 Juin, au soir duquel elle est mise à la disposition du 123° Régiment d’Infanterie à OCHES puissamment attaqué par de l’infanterie et des chars ennemis. Bizarrement, le commandant du Régiment ne souhaite pas la mettre en œuvre. Elle retourne à la disposition de la 36° DI et stationne près de Maison Rouge. Le 11 juin, ses 7 chars avec les 2 de la 1° et les 4 de la 3° sont regroupés en une seule compagnie.
– Le I/18° RI – ce qu’il en reste !- est à Roche
– Le III/18° RI – ce qu’il en reste !- est à Coegny.
Rive gauche de l’Aisne, une poche s’est créée derrière Rilly. Le général Aublet demande des renforts en vue de la résorber. Un bataillon du 5° RICMS lui est envoyé mais son effectif ne dépasse pas 300 hommes et ils doivent faire une marche de 30 km pour rejoindre. Le commandant du 7° Bataillon de Chars Légers est appelé le 9 juin à 23h15 au PC de la Division. Il dispose de 16 chars répartis en 6 sections. Il est chargé d’intervenir avec le 5° RICMS pour dégager la rive droite. Les chars passent dans Vrizy en flammes à 2h30. Le brouillard les cache au mouchard mais ils sont obligés d’utiliser le pont de Roche pour franchir la Loire (ruisseau), ce qui les contraint à un détour. Certains stationnent au carrefour de Voncq et dégagent la ferme de Fontenille et quelques groupes du18° RI. Mais ils sont repérés et la cible de tirs d’artillerie : 5 chars sont touchés. Les coloniaux débouchent de Vrizy à 15h. La troupe est trop faible pour débusquer les ennemis qui se dissimulent dans les champs de blé et les zones buissonneuses. Elle atteint cependant Roche mais ne peut gagner Rilly. Les chars FCM parviennent jusque Roche mais, en plein à découvert entre Roche et Rilly, ils sont attaqués par des bombardiers qui font mouche : 12 chars sur 13 sont mis hors de combat. C’est un échec.
A la relance de l’attaque allemande, le 5° RICMS doit évacuer Roche, secteur menacé sur trois côtés, ce qui oblige les défenseurs qui s’accrochent à se replier.

Vers 16h30, le PC de la Division reçoit l’ordre de repli sur la Tourbe. Les artilleurs rassemblent les pièces intactes au village de Mont Saint Martin.
A 21h, les unités de la rive droite de l’Aisne reçoivent l’ordre de repli sur la ligne Vouziers-Boult aux Bois. Le 18° RI se porte à Semide.
Cet ordre de repli fait suite à la percée du front à Château-Porcien par les chars de Guderian qui filent vers Reims et la frontière suisse afin d’encercler les troupes du Nord-Est.
Un calme relatif s’installe avec la nuit.

Voncq brûle : les flammes montent dans le ciel nocturne et leur lueur colore les troncs du petit bois où nous sommes. De temps à autre jaillit une grande gerbe de feu ; des détonations surviennent venant de munitions qui explosent. Un peu à l’écart, dans un parc, au milieu de vieux arbres fort hauts, flanquée de ses tours d’angle, une bâtisse qui domine tout le secteur, le château, est épargné par le feu. Il apparaît en silhouette noire sur un fond rouge feu. Spectacle effrayant mais plein de grandeur, écrit Willy Jäger qui le contemple…..

Deux femmes se sont distinguées tout au long de cette journée : Madame Conrad et Madame Verhille. Rattachées au Corps
Sanitaire Divisionnaire, elles ont parcouru le champ de bataille dès 5 heures du matin, ramenant les blessés, allant chercher des brancards qui manquent, traversant les tirs de barrages d’artillerie et les mitraillages aériens au prix de quelques blessures et d’éclats dans la carrosserie. Ce sont elles qui ramènent le corps du commandant ROUSSENQUE finalement enterré dans le cimetière de Mont Saint Martin.

11 juin4 h : un brouillard épais s’étend dans la vallée. Rassemblement à la gare (de Voncq) ; traversée de la prairie en file indienne, chacun chargé de munitions. Il faut se méfier des arbres et des buissons car il reste des tireurs isolés. Des corps sont allongés au bord de la route, enveloppés dans leur tente respective, des Français et des Allemands. Nous retrouvons les autres groupes du bataillon. Il en manque beaucoup. On atteint le canal et on attend les ordres. Attaque à 7h. Nos chefs partent en reconnaissance. Quel horrible spectacle s’offre à eux ! La ferme de Fontenille est détruite……… De nombreux cadavres sont trouvés sur les chemins forestiers des bois environnants. Une halte à Loisy. Reconnaissance dans Grivy Loisy avec force précautions. Personne ! Visite des maisons : rien! Seule trouvaille, une grosse boîte d’abricots…. Puis c’est Bourcq et la suite de la campagne.

 

SOURCES :

françaises :
– La 36° Division d’Infanterie à l’honneur colonel Soulet (copie)
– G.A. Durand – Extrait annoté de l’historique du 4° BCLM de 1984
– Compte-rendu du Lt Lucca commandant la 2° Cie du 4° BCLM 10 mai-20 juin
– Le 4° BCLM Historique – document Internet
– Extrait de l’historique du 7° BCLM p 19-39
– Les chars français à Voncq 9 et 10 juin 1940 A Golaz RHA 1962/1
– Le 18° RI campagne 1939-1940 amicale du 18° RI
– La reconnaissance offensive de Mont de Jeux -18-19 mai 1940 – Bulletin de l’amicale du 18° RI Février 1981
– Les combats du 9 juin 1940 sur l’Aisne Bulletin de l’amicale du 18° RI Février 1981
– On m’appelait Portechance – Pierre Portejoie (publication privée) 7° Cie du 18° RI
– Historique complet du 18° RI (Pau 3/4 octobre 1959) reconstitution historique
– Évocation de la bataille de Voncq (57° RI) + Ordre du jour n° 12 28 mars 2006 (venue du 57° RI à Voncq)
– 57° RI : Rapport sur le coup de main du 29 mai à Semuy avec le capitaine Chounet (Maurice GUILLOT) 1942
– Historique du 57° RI Voncq capitaine Patrick Durlan
– Historique du 57° RI
– Récit des combats mai-juin 19410 à Voncq par le père Pouydebasque aumônier du 57° RI
– Voncq guerre 1939-1945 document Internet
– Les combats de Voncq Bulletin municipal
– Vandy 9 juin 1940 RHA 1961-1
– Vandy 9 juin 1940 Témoignage Michel de Lombarès RHA 1990-2
– Le 224° RAD Albert Boisseaux (doc personnelle)
– La 18 batterie capitaine Oulié doc écrite
– Mémoires du chef de bataillon Raymond du II/14° RI. revue Ligne de Front mai-juin 2010 HS
– Bulletin municipal du Chesne Févr 1995 Témoignage de Marcel Peyre 14° RI
– Article PGCATM n° 807 Maurice Robert 14° RI + Journal Le Républicain 4 mai 2001
– Le char de commandement allemand au Chesne (R Avignon + DCM)
– Les divisions du Sud-Ouest dans la II° Armée 10 mai-23 juin Journal Sud-Ouest Robert Dufourg

allemandes :
-« Die Erste » 1. Kie IR 39 Willy Jäger de la 26° ID (général von Förster) réservé à l’amicale du régiment
– Historique de la 10° ID August Schmidt (IR 20-IR 85) traduction
– Einsatz des Infanterieregiments 20 (IR 20) im Verbande der 10° ID an der Aisne vom 20/5 bis 11/6/1940
– 1° Kie 39° IR – Franz MEYER Le Chesne -SEMUY – Voncq
– Unser Bataillon in Frankreich Walter STARK 7° Kie IR 20 ?

LA POPULATION ET LES VETERANS ENTRETIENNENT LEUR MEMOIRE

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