Bois de Sommauthe – Oches – Mont Damion / Renfort et relève : les Spahis

1ère Brigade de Spahis

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Commandant : colonel JOUFFRAULT
Composition : 6ème Régiment de Spahis Algériens (6° RSA)
4ème Régiment de Spahis Marocains (4° RSM)

Depuis le 15 mai, l’ennemi est tenu en respect sur la ligne Aisne-canal des Ardennes-collines boisées Stonne-Sommauthe-Meuse à Inor-Chiers à La Ferté. Il veut rompre cette ligne de résistance et prépare une attaque avec des moyens accrus. Côté français, les effectifs ont fondu et le matériel a subi de lourdes pertes. Le combat sera donc très inégal. Et dans le même temps se profile le besoin de relève car nos troupes sont fatiguées. Il sera difficile de tenir sans renfort.

C’est bien pourquoi, venant du secteur de Longwy, la 1ère Brigade de Spahis arrive le 20 mai à Harricourt à la disposition du 21° Corps d’Armée (général Flavigny). Repérée par le mouchard, elle subit les 21 et 22 des attaques aériennes et des tirs d’artillerie. En fin de journée, elle est alertée et doit se préparer à intervenir sur Oches-La Garenne.

Les Allemands veulent en finir avec la résistance à Stonne et les combats en forêt de Sommauthe : ils prévoient une double manoeuvre d’encerclement : d’une part, une attaque au Sud de la forêt du Mont Dieu et une par la vallée des Cendrières et le Bois du Fay afin d’encercler le plateau de Stonne et le Bois du Mont Dieu) ; d’autre part, une attaque par le Mont Damion sur le Mont du Cygne et Oches et une à travers les Bois de Sommauthe, sur Isly-La Polka et Oches afin d’encercler l’ensemble des troupes coloniales de la 6° DIC.
Après plusieurs jours de préparation, l’attaque est lancée le 23 mai.

23 mai : déclenchement de la grande offensive allemande
L’artillerie entre en jeu dans la nuit et sur tout le front. Dès l’aube, les Stuka bombardent les routes d’accès à Buzancy-Harricourt-Germont.

A 8 h, la Brigade est engagée. Le PC s’installe à la ferme de Fond Barré. Elle est mise à disposition de la 3° DIM à 11 h 30. Le 6° RSA doit prendre position entre le Bois du Fay et la ferme Uchon. Le 4° RSM doit prendre position à La Berlière. L’artillerie allemande se déchaîne ; l’artillerie française riposte avec la même ardeur : c’est l’enfer !

Au Nord de Oches, la situation devient inquiétante : l’ennemi progresse du Mont Damion vers le Mont du Cygne où une partie du 5° RICMS est encerclée. Des groupes d’artillerie de la 6° DIC (groupe du Cdt David du 23° RAC et éléments du 43° RA) prennent position et pilonnent les lignes allemandes.

A 13 h, le 4° RSM et le 76° GRDI sont la cible de violents tirs d’artillerie et de l’intervention de Stuka (un est abattu). Des groupes sortent de la forêt au Nord de Oches : ils sont accueillis par les tirs de notre artillerie et des mitrailleuses des spahis : ils refluent.
Le bois du Fay est tenu par le 67° RI.

A l’Ouest, le 6° RSA avance sur La Garenne (entre le Bois de Sy et Oches) où il subit de violentes attaques aériennes ; il poursuit vers la ferme Uchon sous la mitraille des Stuka et participe à la contre-attaque qui repousse l’ennemi au-delà du Bois Triangulaire.

Au soir, l’ennemi est rejeté au delà de Chantreune et de Nociève. Un violent bombardement ennemi oblige toutefois le PC du 6° RSA à quitter Sy pour s’installer dans le Bois de Sy.

A 14 h, le colonel Jouffrault qui vient d’inspecter ses unités, est alerté sur la faiblesse de la défense entre La Berlière et la Polka. Il tente de joindre le 4° RSM sans le trouver, finit par découvrir que la moitié du régiment a été « récupéré » par le général Carles (6° DIC) pour occuper le Trou d’Oches (entre La Polka et Oches) et la côte de Saint Pierremont. Il est donc indisponible pour intervenir sur le plateau. Arrive le Commandant Vivet du 42° BCC qui demande à être accompagné par des spahis pour attaquer sur La Berlière avec ses chars H 39. C’est un groupe du 6° RSA qui intervient. Ils trouvent La Berlière vide d’ennemis et poursuivent à l’Est, surprenant des éléments d’infanterie au repos qu’ils refoulent dans les bois des croupes Est de la vallée en leur infligeant des pertes sérieuses. Mais l’infanterie n’a pas suivi et le village est la cible de tirs d’artillerie. Les chars font demi-tour et se replient à l’Ouest, accompagnés par les dernières troupes françaises. Le village restera ainsi inoccupé toute la nuit et même une partie de la matinée du 24…
Les chars repartent à Verrières.

Le demi 4° RSM disponible veut renforcer les défenses entre les deux villages lorsqu’apparaît un flot d’infanterie ennemie sur la croupe SE de La Berlière ainsi que sortant des bois au N de Oches. L’escadron de mitrailleuses a eu le temps d’installer ses armes en lisière des bois, entre La Berlière et Oches. Elles fauchent les flux ennemis qui sont également repérés et pris comme cibles par nos batteries. Les assaillants se replient définitivement, laissant nombre de tués sur le terrain.
L’avance ennemie est ainsi partout contenue. Mais l’absence de l’autre demi 4° RSM crée une brèche pouvant favoriser des infiltrations ennemies.

24 mai
Ce demi- 4° RSM reprend enfin sa place dans la nuit. Avec le 6° RSA, il est chargé de barrer la route à toute avance sur Oches ou Verrières. Au fil des heures, ils récupèrent nombre d’égarés déstabilisés par des ordres de recul anonymes, de fausses informations transmises par téléphone, de faux ordres de recul donnés par de bizarres officiers d’État-Major.

Intervention de la première Brigade de Spahis entre Sy et Oches : 23 et 25 mai 1940

Intervention de la première Brigade de Spahis entre Sy et Oches : 23 et 25 mai 1940

Toute la nuit, Sy, le Bois du Fay, les batteries postées au-dessus de Oches sont les cibles de tirs d’artillerie. Les batteries françaises ripostent avec autant d’ardeur. Le groupe David dirige l’essentiel de ses tirs sur le plateau de Stonne et la vallée des Cendrières.

A l’aube, l’infanterie ennemie apparait. Elle est accueillie par les tirs de notre artillerie et les feux des mitrailleuses. La résistance tenace du 5° RICMS encerclé en dessus du Mont du Cygne en mobilise une partie.
Mais des groupes progressent dans la vallée du Petit Moulin (entre La Berlière et Oches). Revêtus de capotes françaises, ils surprennent et abattent les premiers éléments du 4° RSM à la grenade. Les rescapés, surpris, se replient en abandonnant un canon de 25 et des mitrailleuses. Furieux de cette ruse déloyale, les spahis se reprennent, attaquent à la baïonnette et, appuyés au Nord par l’escadron de réserve du 6° RSA, reprennent leurs positions.
Au Nord, le 4° RSM contre-attaque à la grenade vers le château de La Berlière avec l’appui de quelques chars H39 du 42° BCC et rejette l’ennemi au-delà du ruisseau.

A 5h30, la situation est rétablie mais on sent l’ennemi pressé de percer vers le Sud-Ouest.
Au Chemin de Oches à Sy, le 6° RSA se bat à la grenade, en but à l’artillerie et à l’aviation. Grâce à la ténacité de ses spahis et aux interventions bien ciblées de l’artillerie, l’attaque est enrayée. Les plus hardis sont pourchassés par les chars H 39 du 42° BCC.
A 6 h, l’ensemble des unités du secteur sont placées sous le commandement du colonel Jouffrault.
A 7 h, le 42° BCC rejoint la 3° Division Cuirassée.
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La 6° DIC et une partie du 4° RSM portent leurs efforts sur le secteur du Mont du Cygne pour libérer le 5° RICMS. Dans les Bois de St Pierremont, le 6° RICMS attaque en direction du Mont du Cygne. Ces actions font avorter les attaques ennemies dans ce secteur, toujours soutenues par les tirs de l’artillerie réglés par l’éternel mouchard présent du matin au soir. Dans ce secteur, la situation est maîtrisée : aucun ennemi n’est signalé ni dans La Berlière ni dans Oches.

A l’Ouest, la situation est plus tendue. Au Nord de Tannay, la contre-attaque menée avec le 16° BCP, un bataillon du 36° RI, les chars de la 3° DCR et les éléments du groupement Gaillard ne parvient pas à contenir la ruée allemande. Le terrain n’offre aucune protection : nos troupes sont face aux batteries allemandes qui tirent à vue. L’aviation intervient, mais sans insister. Les pertes s’accumulent. Le 2° escadron du 6° RSA engagé en appui, ne compte plus que 42 hommes en fin de journée.
En fin d’après-midi, des chars sont engagés sur Tannay, au Sud du Bois du Mont Dieu, sur la ferme et la clairière de la Grange au Mont (42° BCC) où ils surprennent un regroupement ennemi et lui causent de lourdes pertes. A l’Est, une forte pression allemande s’exerce entre La Berlière et Oches mais ne peut progresser.

Vers 16h30, un premier bataillon du 119° RI (relève) arrive sur la côte de Saint Pierremont.
A 17 h de nouvelles concentrations sont observées entre La Berlière et Oches où les tirs d’artillerie s’accentuent. Les batteries françaises augmentent leur cadence de tir, en particulier sur la vallée entre Oches et La Berlière. L’attaque se déclenche à 17h15. Une compagnie du chars H 39 du 42° BCC intervient sur la route Oches-Sy. L’attaque est vive sur le Chaudron où font face des spahis du 6° RSA, un groupe de permissionnaires du 51° RI et des éléments du 4° RSM. Les fantassins résistent courageusement mais, privés de leur chef, ce groupe du 51° se disperse avant de se regrouper et de s’accrocher. Plus près de Oches, les escadrons du 4° RSM du commandant Brunot demandent de l’aide : les tirs des batteries du groupe David sont alors réglés au plus près de Oches et brisent les ardeurs de l’ennemi. L’attaque échoue mais les pertes sont lourdes.

A partir de 19h, les attaques ennemies cessent sauf au Sud du Mont du Cygne. Le 5° RICMS est enfin dégagé. Entre Sy et La Berlière, sur le plateau, les troupes allemandes se replient en ordre. L’espoir revient. Mais des bruits de relève se répandent, confirmés au colonel Jouffrault par le général Bertin-Boussu. C’est la 35° DI qui arrive pour se positionner sur la ligne Petites Armoises-Bois de Sy-Oches, c’est à dire en retrait des lignes défendues et maintenues !! Mais les unités ne sont pas encore arrivées. Le groupement Gaillard est chargé de couvrir le secteur Le Chesne-Chantreune, le groupe Jouffrault, de la cote 228 à Oches.
Oches (en ruines) est tenu ; la route Grandes Armoises-La Berlière est libre. Une contre-attaque se prépare à l’Ouest avec le général Gaillard. Vu la situation, il est nécessaire d’abandonner le massif du Mont Dieu quasi encerclé et d’organiser le retrait des unités de la 3° DIM au cours de la nuit, sous la couverture des spahis renforcés par quelques éléments du 123° RI.

25 mai
Le II/123° RI n’arrive qu’au lever du jour. Il est posté sur la partie basse du chemin Oches-Sy.
Les spahis couvrent la suite jusqu’au-dessus de Sy. Le groupement Gaillard assure la défense du secteur Uchon – Nociève.
Côté allemand, des tirs d’artillerie se succèdent, sans beaucoup de précision. L’infanterie est peu agressive mais l’aviation est toujours présente, particulièrement entre 10 et 11 h.

A 8 h le 119° RI est en place, à droite. Le secteur imparti aux spahis s’allonge sur Oches et jusqu’au carrefour de Nociève car le 8°Chasseurs à cheval se retire. Les batteries du III/42° RA (3° DIM) s’installent au Fond Barré et tirent sur La Berlière-la vallée des Cendrières et Franclieu.

Mais voilà l’infanterie allemande qui s’active : des tirs de mortiers s’accélèrent au Bois du Fay et au Nord Ouest de Nociève, l’artillerie se déchaîne. Les batteries françaises du groupe David les calment assez rapidement.

Vers 10 h, apparaissent de nombreux chars légers allemands au Sud-Est de La Berlière ; ils semblent hésiter. Ils sont vite pris comme cible par l’artillerie : 4 chars flambent, les autres cherchent refuge autour d’eux puis font demi-tour et disparaissent rapidement. Un char plus hardi que les autres avance dans la vallée, vers Oches : il est détruit par un canon de 25 du 4° RSM. Ces chars qui ont fui réapparaissent sur la route La Berlière-Stonne, en pleine vue de notre artillerie qui les pourchasse et en détruit plusieurs. Les autres finissent par disparaître vers Stonne.
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La 6° DIC engage une attaque sur les positions allemandes au Sud et Sud-Est du Mont du Cygne, en liaison avec le 6° RICMS à la ferme d’Isly et gagne du terrain.
La situation semble bien en mains quand vers 11 h arrivent des ordres malvenus : retrait du III/42° RA mis à disposition de la 35° DI, en arrière des lignes tenues ; retrait du groupe David (23° RAC) rendu à la 6° DIC. Suite aux protestations alarmistes du colonel Jouffrault, l’appui de l’Artillerie Divisionnaire (AD 3) est accordé. Le II/123° RI n’est toujours pas là (il n’arrivera que dans la nuit !). L’ AD3 entre aussitôt en action et déclenche des tirs devant les premières lignes.
A l’Ouest, le 6° RSA, privé d’artillerie, est submergé par les attaques allemandes et se replie progressivement vers Fond Barré. Les 1er et 2° escadrons s’accrochent finalement au terrain et résistent à tous les assauts.

A 15h30, une importante attaque allemande se déclenche sur le plateau Ouest de La Berlière, le Chaudron, appuyée par de violents tirs d’artillerie. Elle se développe par le Nord et par l’Est. L’intervention de l’artillerie de la 6° DIC permet de bloquer toute progression. Vers 17 h de nouvelles tentatives sont faites à partir des bois au Nord de Oches mais le 2° escadron du 4° RSM les arrête.
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A 18 h, la situation est stabilisée.
L’ordre de relève est arrivé à 17 h. Mais il faut coordonner le retrait avec la mise en place des unités de couverture, les 4° et 6° spahis et quelques éléments du 123° RI seulement car l’arrivée des nouvelles unités est retardée par l’encombrement des itinéraires utilisables.
Une dernière reconnaissance du colonel montre que la situation s’est stabilisée : l’ennemi récupère ses blessés et les corps de ses tués.
Le retrait de la 1° Brigade de Spahis se fait progressivement au cours de la nuit, le regroupement étant fixé à HARRICOURT.

CONCLUSION : La Brigade a tenu un front de 7 km.

Sur 700 combattants, les pertes sont lourdes :
4° RSM : 3 Off, 3 s/off, 24 brigadiers et spahis
6° RSA : 2 Off, 13 s/off, 54 brigadiers et spahis
total : 99 hommes
+ 51 blessés légers et 50 chevaux tués
(données de M Cazenave vétéran, responsable de l’amicale)

Au plan matériel, quelques fusils-mitrailleurs ont été détruits ainsi qu’un mortier. Un canon de 25 enlisé au ruisseau du Petit Moulin est récupéré le 29 mai et ramené à Cunel (Meuse).

Remarques du colonel :
– bonne liaison avec les chars
– importance de la rapidité de liaison avec l’artillerie
– obligation de prévoir une traction automobile pour les canons de 25

en mémoire des spahis morts au combat


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GLOSSAIRE
3° DIM : 3° Division d’Infanterie Motorisée
35° DI : 35° Division d’Infanterie
67° RI : 67° Régiment d’Infanterie
51° RI : 51° Régiment d’Infanterie
42° RA : 42° Régiment d’Artillerie
6° DIC : 6° Division d’Infanterie Coloniale
5° RICMS : 5° Régiment d’Infanterie Coloniale mixte Sénégalais
6° RICMS : 6° Régiment d’Infanterie Coloniale mixte Sénégalais
23° RAC : 23° Régiment d’Artillerie Colonial
76° GRDI : 76° Groupe de Reconnaissance Divisionnaire
42° BCC : 42° Bataillon de Chars de Combat
36° RI : 36° Régiment d’Infanterie
119° RI : 119° Régiment d’Infanterie
123° RI : 123° Régiment d’Infanterie

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