Secteur Château Porcien – Alsfeld

Le 15 mai 1940, la 10° Division d’Infanterie est chargée de tenir le secteur allant de Rethel (exclus) à Neufchâtel sur Aisne (exclus) soit 20 km, en organisant la défense de la rive Sud de l’Aisne et, dans un premier temps, de défendre les ponts d’Asfeld et de Balham-Aire.

Sur quel type de terrain va-t-elle intervenir ?

Les abords même de l’Aisne sont extrêmement couverts par des rideaux d’arbres et des taillis épais. Cette particularité rend difficile l’établissement d’une ligne continue de feux. Elle oblige à multiplier les points d’appui au détriment de la force de chacun d’eux. Cependant, elle procure en maints endroits, le long de l’Aisne, l’avantage de communications latérales à l’abri des vues de l’ennemi.

La rive Nord est nettement dominante, particularité qui sera très favorable à l’ennemi, dès qu’il aura pris position. Entre Château Porcien et Condé les Herpy, c’est même une falaise dominant l’Aisne à quelques centaines de mètres. Le versant Nord de la vallée est beaucoup plus couvert et mouvementé, ce qui offrira à l’ennemi de bons observatoires.

De la crête ferme de Vauboisson (entre Asfeld et Roizy)-signal Saint Loup à cote 148 qui marque l’arrière du versant Sud de la vallée de l’Aisne, soit sur une profondeur moyenne de 4 km, le terrain est formé d’une suite d’ondulations à faible relief qui s’abaissent peu à peu vers l’Aisne. Terrain nu dans son ensemble, coupé de quelques rares boqueteaux de pins et sur lequel il est presque impossible de circuler à l’abri des vues des pentes Nord de l’Aisne. Les crêtes de Saint Loup et de la ferme de Vauboisson sont couvertes de bois de pins assez importants.

Pour éviter des longueurs, des sigles sont employés. En voici la signification. Merci de vous y reporter si besoin.

A M D : automitrailleuse de découverte
B C C : Bataillon de Chars de Combat
Cie : Compagnie
C R E : Compagnie Régimentaire d’Engins
D C A : Défense Contre Avions
D C R : Division Cuirassée de réserve
D I : Division d’Infanterie
G R D I : Groupe de Reconnaissance Divisionnaire
Lt : Lieutenant
P C : Poste de Commandement
R A : Régiment d’Artillerie
R D P : Régiment de Dragons Portés
R I : Régiment d’Infanterie
s/Lt : sous-Lieutenant
V B : fusil lance grenade (Vivien Bessières)
I/24° RI : 1er Bataillon du 24° RI idem pour II/24° RI et pour III/24° RI
I D : InfanterieDivision (Division d’Infanterie)
motDiv : motorisierteDivision (Division motorisée)
PzDiv / PanzerDivision (Division Blindée)

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La 10° DI est commandée par le général AYME. Elle est composée des 5° RI, 24° RI et 46° RI ainsi que des 32° et 232° régiments d’artillerie et du 15° GRDI. Le 5° RI est chargé de la défense d’Asfeld-Pignicourt, assurant ainsi la liaison avec la division voisine, la 42° DI du général Keller. qui appartient à un autre Corps d’Armée, ce qui ne facilite pas les liaisons.

Le gros de la division arrive le 15 mai et se hâte de prendre position. Le 24° RI est affecté au secteur Château-Porcien-Vieux les Asfeld. La défense des passages de l’Aisne est aussitôt mise en place : un groupe de canons de 25 au pont de Château Porcien, un canon de la CRE au gué de Condé les Herpy, un au pont du canal de Pargny et un au pont de Balham avec un groupe de canons de 47, un canon de 25, un de 47 et un de 75 au pont d’Asfeld ville. Les barques de l’Aisne sont détruites. La ligne de résistance est la rive Sud de l’Aisne. Préparer une ligne de résistance continue sur une telle longueur (20 km) est une priorité difficile à mettre en œuvre. Le nécessaire est toutefois réalisé.

18-22 mai : violentes attaques partout repoussées :

17 mai : L’ennemi se présente à plusieurs reprises à Château Porcien pour tenter de franchir l’Aisne, mais il est régulièrement durement repoussé. Les mêmes tentatives ont lieu aux ponts de Balham, Asfeld, Vieux les Asfeld, ainsi qu’au gué de Condé les Herpy. Parfois très violentes, elles valent à l’ennemi plusieurs morts, divers prisonniers et la récupération d’un important matériel. Soulignons que le secteur est continuellement surveillé par des avions d’observation en liaison directe avec la troupe et que des escadrilles se succèdent, parfois à basse altitude, tenant nos troupes sans cesse en alerte.

Vers 17h30, l’ennemi attaque à CONDE les Herpy avec l’appui d’un char permettant le franchissement de l’Aisne par quelques éléments qui s’infiltrent vers le canal dans les hautes herbes. La situation de la section qui défend le gué est vite devenue critique. Elle demande par fusée un tir d’arrêt à l’artillerie et se replie en reportant sa ligne de défense en arrière. Mais son canon de 25 étant vite neutralisé, il faut des tirs groupés de mortiers pour arrêter la progression ennemie alors que des tirs d’artillerie interdisent toute venue de renforts.

La situation demeure sans changement jusqu’à la tombée de la nuit. Deux automitrailleuses venues la nuit en renfort franchissent le pont du canal et rétablissent la situation. Des mines sont alors posées puis les ponts de Balham et Asfeld sont détruits au cours de la nuit du 18 au 19 et celui de Vieux le 19 mai. Celui du bras Sud de l’Aisne à Château Porcien est également détruit, mais leur destruction est très incomplète : s’ils empêchent le passage de blindés, ils permettent toujours le passage de fantassins ! (Le cas est assez général)

Le 18 mai, à 2 h du matin, débute une attaque générale par un bombardement d’artillerie et de mortiers suivi par l’engagement de l’infanterie accompagnée de chars et d’automitrailleuses. L’effort principal est porté sur Château Porcien et le gué de Condé les Herpy. Les chars ennemis franchissent le pont intact de Château Porcien et avancent dans la cité jusqu’à se heurter aux défenses françaises sur le bras Sud de l’Aisne. Quelques troupes franchissent la rivière mais sont rapidement rejetées par l’usage de grenades et de VB. Dans Château Porcien c’est plus délicat : il faut faire appel à des renforts. Des chars du groupement blindé PROSTOULAND et des automitrailleuses arrivent et rétablissent la situation. Au gué de Condé les Herpy, la 5° compagnie se défend âprement pendant 7 heures. Les tirs bien ciblés de notre artillerie lui apportent un soutien efficace.

Une section de la 10° Cie vient renforcer les points les plus faibles. Vers 11 h la situation est partout stabilisée sauf dans et devant Château Porcien où les combats se prolongent. A 12 h, un coup de main allemand se déroule sur le pont de Balham mais la réaction est telle qu’ils retraitent en abandonnant leurs morts. La même tentative a lieu au pont d’Asfeld avec le même résultat.

A 18 h le calme est revenu mais on devine partout chez l’ennemi la volonté résolue de franchir l’Aisne à tout prix.

Pendant la nuit, par un extraordinaire clair de lune, un coup de main ennemi tente sa chance sur le pont de Balham mais la réaction immédiate et efficace de notre artillerie le disloque et provoque un repli complet.

19 mai : Divers mouvements de troupe ont lieu afin de tenter d’uniformiser la ligne de résistance. Comme le front est très large et totalement à découvert sur ses arrières, 2 chars sont adjoints et un peloton moto.

L’après-midi, le II°/46° RI vient renforcer le 24°RI : la 6° Cie pour la reprise de Balham avec des automitrailleuses et l’appui de l’artillerie ; la 5° Cie vient en appui à Aire car le III°/24° RI a du mal à défendre la rive Sud de l’Aisne. La 7° Cie renforce les troupes qui peinent à repousser les attaques ennemies tentant partout de franchir l’Aisne. Alors que le III/24° RI jusque-là en réserve à Saint Loup prend en charge le secteur Château Porcien-ferme de Pargny, le II/46° RI qui vient d’arriver, le remplace.

Grâce à la vigilance du commandement et aux renforts apportés, l’ennemi est partout refoulé.

Tant d’échecs devant Château Porcien amène l’ennemi à changer de tactique.

Le 18 mai, il attaque à Asfeld et à Balham. A Balham, il s’infiltre vers 12 h par les couverts et tente de s’emparer du pont. Mais méconnaître nos armes automatiques et notre artillerie qui réagissent rapidement et les contraignent au repli en abandonnant les morts sur la rive. À 18 h, le calme est revenu.

Elle démarre à 14 h mais ne peut progresser. La situation restera sans changement jusqu’à 16 h. A ce moment, une nouvelle contre-attaque est organisée avec des éléments du 46° RI amenés en camionnette et des automitrailleuses. Le groupe dirigé par le lieutenant DARRAS et les automitrailleuses attaquent l’ennemi en tenaille. La position est reprise. Les Allemands tentent de repasser l’Aisne sans toujours y parvenir… Les automitrailleuses restent sur place et patrouillent le long de l’Aisne pour sécuriser nos groupes en place.

Il attaque le même jour, à 14 h 30, le barrage d’Asfeld mais se heurte aux AMD et échoue.

Nouvelle tentative au pont de Balham au cours de la nuit. Mais l’artillerie les accueille et les oblige au repli. Vers 4 h, le calme revient.

Vu cette nervosité, une Cie du II/46° RI postée à Saint Loup est envoyée en renfort à Aire.

Il n’y aura pas de nouvelle attaque dans la soirée.

Les pertes allemandes sont élevées.

Les éléments du 46° RI venus en renfort restent entre Asfeld et Vieux et forment un point d’appui supplémentaire.

Plus à l’est, à Balham, situé entre Aisne et canal, une attaque allemande se développe à 12 h sur un front d’environ 700 m, face au village dont la défense est assurée par la 3° Cie du 24° RI (s/Lt Palmot) et la 1° Cie (s/Lt Tupinier) dans la partie Ouest. Les Allemands atteignent l’Aisne à 15 h à la corne Nord-Est du village. La 1° Cie se replie vers le canal. L’ennemi commence alors l’encerclement de Balham par l’Est et le Sud-Ouest. La section Palmot se défend courageusement, animée par son chef, défendant maison à maison. Cette résistance se poursuit jusque 16 h. Les Allemands en surnombre poursuivent l’encerclement. Le s/Lt Palmot organise alors un repli vers le canal. Armé d’un FM, il protège lui-même ses hommes au cours de leur repli. Les deux canons de 25 sont emmenés. La section s’installe alors au Sud du canal, jusqu’aux premières maisons d’Aire.

Les Allemands les talonnent et occupent la rive Nord du canal. Quelques-uns franchissent le canal et poursuivent jusqu’à la première maison d’Aire.

Une contre-attaque s’organise avec la 5° Cie du 46° RI (Lt de Monner) venant de la réserve de Saint Loup. L’artillerie réagit et entrave la venue de renforts ennemis. Le chef de Bataillon Levert organise l’action à venir : reprise du pont du canal, reprise et nettoyage de Balham.

A 18h45, l’artillerie et les mortiers entrent en jeu. A 19 h la contre-attaque démarre d’Aire avec la section Biseau du 46° RI à gauche et la section Palmot du 24° RI à droite, l’appui de tirs d’artillerie et de mortiers de 81. Les automitrailleuses du s/Lt Darras qui viennent d’Asfeld sont engagées. Nos troupes atteignent le canal, franchissent le pont et nettoient la rive Nord du canal. Les Allemands se replient en désordre sur Balham. Ils sont poursuivis par nos troupes qui atteignent la rive Sud de l’Aisne. Ils commencent alors le nettoyage du village. Pas mal de cadavres jonchent les rues. Au cours de la nuit, la section Palmot fait place nette et récupère quelques prisonniers. Elle récupère également du matériel : mitraillettes, mortiers, fusils antichars, armes individuelles, munitions. La nuit qui suit se montre très calme. L’ennemi a subi un échec important. Nos pertes sont limitées. Un calme relatif va régner pendant plusieurs jours.

L’Oberstleutnant Hesse écrit dans une revue allemande : « C’était une mission difficile car les Français défendirent le fleuve avec opiniâtreté et d’une façon extraordinairement habile… »

A l’aube du 20 mai, deux sections de la 11° Cie du 24° RI commandées par le Lieutenant Chevrier, franchissent le pont de l’écluse de Pargny et gagnent la rive Sud de l’Aisne : c’est une avancée de 1 km. Appuyés sur l’Aisne, des patrouilles détruisent le bac d’Herpy. Les Allemands évacuent toute « l’île ». L’opération bien menée n’a coûté qu’un blessé. La 10° Cie a suivi la 11°, ce qui rétablit la liaison avec la 9°.

Mais l’ennemi poursuit ses tentatives sur Château Porcien : le 21 mai, à 5 h, une attaque à l’Est du pont est repoussée. A 6 h, une nouvelle tentative se heurte à la 9° Cie (capitaine Girardot) appuyée par un char qu’il a fait venir : c’est un échec. Le lieutenant Maury commandant la 7°Cie du 46° RI est mortellement blessé au cours d’une reconnaissance sur l’Aisne.

Les Allemands déclenchent de violents bombardements sur la rive Sud, endommageant un des chars de la 9° Cie et détruisant un canon de 25. S’y ajoutent de nombreux tués ou blessés : le lieutenant Bougevin Baville est tué, le capitaine Mignot commandant le II/46° RI gravement blessé. Il est évacué et remplacé par le capitaine Meyer.

Une nouvelle tentative de franchir l’Aisne en canots pneumatiques se produit à la tombée de la nuit, à l’Ouest du pont, mais c’est un nouvel échec.

Le 21 mai l’ennemi tente un nouveau franchissement de l’Aisne à l’Est du pont de Château Porcien en voulant lancer des passerelles. Mais la 9° Cie et la 7° du 46° RI se montrent efficaces et les tiennent en échec.

A la tombée de la nuit, l’artillerie allemande déclenche de nouveaux bombardements sur nos lignes de défense et nos arrières. Notre artillerie riposte avec des batteries de 75 et de 155 : les tirs sont efficaces car le calme revient. La 9° Cie compte 10 tués et 27 blessés.

Au 21 mai, le front de la 10° D I est modifié : la 3° DI relève la 10° DI jusqu’au gué de Condé les Herpy, ce qui permet la relève du 46° RI qui revient au centre de la 10° DI : Nanteuil, Taizy, Château Porcien.

Le secteur confié au 24° RI va du gué de Condé à Blanzy (jusqu’à l’église). A sa droite, il a le 33° RI, à sa gauche, le 46° RI. Le PC est à Saint Loup.

22 mai : l’organisation des secteurs est la suivante : le I/46 (commandant Levert) à Taizy, le III/46 à Nanteuil et le II/46 (commandant Claustres) sur Château Porcien. Des réserves sont prévues dans le bois au Sud-Est de La Croix l’Hermite.

Ces troupes resteront en place jusqu’au 1er juin où elles seront relevées par le 33° RI de la 2° DI. L’observatoire installé au Signal de Saint Loup enregistre chaque jour de nouvelles installations de batteries, de nombreux travaux, de nombreux mouvements de camions. En un seul jour, il observe 150 arrivées ou départs d’avions gros porteurs sur un aérodrome allemand situé plus au Nord.

On sent l’ennemi nerveux, agressif, déterminé à franchir l’Aisne et le canal, multipliant les patrouilles, les tentatives de franchissement, les coups de main sur les ponts de Château Porcien, les tirs de réglage de l’artillerie et des mortiers.

Lors des nuits des 21 au 22 et 23 mai les permutations s’effectuent. Les travaux de défense sont accélérés : pose de mines près des ponts et du gué de Condé des Herpy, création de passerelles provisoires, établissement d’un barrage antichar avec trois canons de 75.

La défense de Blanzy et Saint Loup est renforcée : barricades, canons antichars, emplacements pour mines. Des patrouilles sont envoyées au Nord de l’Aisne où les nouvelles troupes ennemies semblent moins agressives.

23, 24, 25, 26, 27 mai : le secteur reste assez calme. `

Les stratèges allemands n’avaient pas prévu une telle résistance, ni une telle activité de leur artillerie et de leurs mortiers qui ont consommé toutes leurs réserves de munitions. Le Journal de marche de la 10° ID note que le 24 mai, la division fut obligée d’aller elle-même en Allemagne, à plusieurs reprises, chercher les quantités de munitions qui lui étaient absolument indispensables, ce qui entraînait à chaque fois, une absence de trois jours des colonnes mobilisées. Il devint même nécessaire de limiter à 15 coups par jour et par batterie la consommation de munitions.

Le 28 mai, la DCA abat un avion ennemi volant très bas.

Dans la nuit du 28 au 29 mai, Blanzy subit un bombardement accompagné de tirs de mortiers et d’armes automatiques. S’agit-il de nouvelles tentatives de franchissement de l’Aisne ? Vu les réactions rapides et efficaces de nos troupes, artillerie et infanterie, il n’y a aucune suite. Nouvel échec !

La DCA abat un second avion ennemi.

Le 30 mai, dans l’après-midi, des patrouilles françaises franchissent l’Aisne et entrent au contact avec l’ennemi. L’une d’elles, très avancée, tombe dans une embuscade allemande. Elle fait front et se dégage mais deux hommes sont tués dont le sous-lieutenant Payen.

1° Juin : arrivée de la 2° Division d’Infanterie : 33° RI + 73° RI + 127° RI + 34° RA et 234° RA accompagnés des 155° GPF, du 155° RAL (74 pièces, 70 mitrailleuses, 150 FM avec quelques mortiers de 60 et de 81 mm ainsi que d’antichars) et du 11° GRDI.

Le 33° RI s’installe de la ferme de Pargny à Nanteuil ; le 73° RI, de Nanteuil à Acy Romance ; le 127 ° RI d’Acy Romance à Biermes. Il relève ainsi le 46° RI qui va en repos dans les bois au Sud-Est de Saint Loup.

Le PC du 33° RI (colonel VIVIEN) est à Avançon, celui du 73° RI (colonel TERRIER) est à Tagnon, celui du 127° RI (colonel GABRIEL) est à Perthes.

Le 2 juin, après un violent bombardement du sous-secteur Ouest, des groupes ennemis tentent de traverser l’Aisne avec des canots pneumatiques mais ils sont rapidement repoussés ou éliminés. On observe une grande activité de nuit chez l’ennemi avec nombre d’officiers munis de cartes mais il y a peu de patrouilles. Une attaque est en préparation !

Le 3 juin, dans le secteur de la 10° D I, on observe des préparatifs qui annoncent une attaque : création d’un radeau en rondins, façonnage d’un escalier allant des hauteurs du Nord de l’Aisne à pente très abrupte jusqu’à la rive Nord de la rivière.

Le 4 juin, l’ennemi tente de conquérir le pont détruit de Château Porcien, appuyé par des tireurs camouflés dans les arbres. La réaction française est assez brutale ; l’ennemi doit se replier en laissant quelques blessés sur place. Vers 17 h, quelques Allemands parviennent à franchir l’Aisne, 200 m à l’Ouest du gué de Condé les Herpy. Ils sont assez rapidement refoulés ou éliminés.

Le 5 juin, des petits groupes tentent de franchir l’Aisne en divers endroits, certains, torse nu. Un officier allemand est tué : Lt Grommlat. Malgré ces multiples tentatives, l’ennemi ne parvient pas à prendre en défaut la vigilance de nos troupes.

Les 6 et 7 juin l’artillerie allemande est très active, ainsi que l’aviation sans cesse guidées par « le mouchard ». L’examen des cadavres ennemis abandonnés lors des replis successifs permet d’identifier l’engagement du 24° InfanterieRegiment.

Des dépôts de matériel et de munitions sont repérés au Sud de Son. Ils sont la cible des tirs de notre artillerie. Des colonnes de camions sont identifiées près de Sorbon. Cette intense activité présage une grande attaque en préparation.

Le 24° RI fait sauter les ponts sur le canal.

Le 8 juin, un calme relatif se manifeste au sol alors que l’aviation ennemie intensifie son activité, gênant singulièrement tous nos déplacements.

Le 24° RI organise la défense de son secteur sur trois niveaux : ligne principale de défense sur l’Aisne et le canal avec le soutien de deux sections dans les secteurs Est et Ouest. En 2° échelon, une ligne d’arrêt avec le II° Bataillon (Commandant Meyer) et 2 canons de 25, renforcée par trois points d’appui. Saint Loup est organisé en verrou antichars avec des canons de 25.

Notre artillerie et nos mortiers pilonnent les lignes allemandes, particulièrement leurs arrières, afin de ralentir et d’éliminer partiellement les nombreux renforts qui arrivent au Nord.

Où le sort de Château Porcien et de la vallée de l’Aisne dépend de celui de Dunkerque !

La poche de Dunkerque et l’opération Dynamo se terminent le 5 juin par la prise de la ville. Cela libère de nombreuses unités allemandes dont un certain nombre sont dirigées sur l’Aisne et Château Porcien, parmi elles le Groupe Guderian : 1°, 2°, 6°, 8° PzDiv + 26° motDiv et 20° mot. Les cartes ci-dessous montrent cette situation au 20 mai et au 5 juin.

La concentration des divisions sur l’Aisne est visible :

20 MAI
5 JUIN

L’ATTAQUE MASSIVE ALLEMANDE DES 9 ET 10 JUIN


Décider de lancer une attaque sur la rive Sud de l’Aisne est une chose, mais pour la réaliser, il faut construire des ponts car les Français les ont tous fait sauter.
Le groupe Balk (Guderian) utilise le pont de Barby. Le 10 juin, à 6h 30, 2 PzRgt avec plus de 250 chars passent et foncent sur Tagnon et Perthes qui ne peuvent être pris au premier assaut. Plus de 200 chars passent près d’Avançon en flammes ; Tagnon est évité à 7h45. La prise de ces ilots de résistance est réservée aux 55° et 21° IR. A 14 h 35, le groupe Balk à 2 km à l’Ouest de Perthes. Les régiments 1 et 2 filent jusqu’à la Retourne mais se heurtent à un terrain marécageux, à la défense de Neuflize et aux ponts minés mais non détruits sur la Retourne. Neuflize est pris à 13 h 45 en faisant 200 prisonniers. Après la prise de Perthes, Balk fonce sur Juniville.
Le plus important passage est prévu à Château Porcien. Mais 3 ponts sont nécessaires : 2 sur l’Aisne et un sur le canal, ce qui est imprévu. Le 653° Bataillon de Pionniers est chargé de la tâche. Des plongeurs vérifient la profondeur de l’Aisne. Un danger : 3 mitrailleuses françaises sont installées dans le vieux moulin et tiennent une large partie du terrain sous leurs feux. La réalisation de 2 ponts exige plus de matériel que prévu, donc plus de temps. Guderian est furieux. Pour ne pas éveiller les soupçons et éviter les tirs français, ordre est donné de travailler en silence : les bois sont vissés et non cloués, le matériel est stocké à bonne distance et amené à dos d’homme. Les Pionniers font des prodiges et les ponts sont livrés le 10 à 13 h 30. Guderian peut alors filer sur Reims, Châlons et Pontarlier.

9 juin : le grignotage systématique

Vers 3 h 30 se déclenche un déluge de tirs d’artillerie et de mortiers ainsi que des bombardements aériens sur toutes nos positions le long de l’Aisne et sur nos batteries d’artillerie dont les positions sont repérées par le mouchard. Vers 4 h, des rafales d’armes automatiques partent des rives de l’Aisne et du canal, indiquant l’avancée des fantassins ennemis. La vallée de l’Aisne est plongée dans un brouillard artificiel très dense dû aux obus fumigènes allemands.

Nos arrières sont également la cible de bombardements aériens très denses : Perthes, Tagnon, Avançon, les vallées de la Retourne et de la Suippe.

Ces bombardements déclenchent une riposte immédiate de notre artillerie sur les points sensibles de Château Porcien et des environs de Rethel, ainsi que sur les ponts détruits sur l’Aisne et le canal.

De nombreux franchissements de l’Aisne ont lieu. Ces conditions exceptionnelles et le nombre sans cesse renouvelé d’assaillants permettent à l’ennemi de prendre pied sur la rive sud de l’Aisne puis du canal : à Blanzy, Condé les Herpy, à la ferme de Pargny notamment. Ils se glissent dans Taizy où le I/33° RI est vite débordé, partiellement encerclé. Les positions du II/33° RI sont submergées. Le PC tient jusque 13 h.

A Blanzy, la 6° Cie résiste mais demande des renforts. Une Cie de chars H 35 lui est promise pour organiser une contre-attaque avec le I/24° RI. Mais il faut qu’ils arrivent car le temps presse. A 7 h, l’ennemi attaque l’écluse de Pargny et anéantit le point d’appui de l’adjudant Bougrain. Tous les points d’appui du secteur sont anéantis vers 16h30.

La même pression s’exerce sur Nanteuil où l’ennemi regroupé finit par pénétrer et s’emparer du PC. Le village est totalement conquis à 19h30.

Malgré la faiblesse de ses sections – 20 à 25 hommes -, peu de barbelés, pas d’abris, peu de munitions, le I/73° RI tient bon sur l’Aisne. Mais dès 3h40, il subit le même déluge de feux que ses voisins. Les tirs les plus denses sont concentrés sur les écluses de Nanteuil et d’Acy. A Nanteuil, les deux sections sont submergées, le Lieutenant Dhermy est tué, l’adjudant Paris grièvement blessé et achevé d’un coup de baïonnette. Au Sud-Est de Nanteuil, le point de résistance du lieutenant Jeuniau tient jusqu’à épuisement des hommes et des munitions, face aux mitrailleuses ennemies. Il y a de nombreux blessés.

C’est la même situation au 127° RI dont le III° Bataillon est chargé de la défense du Sud de Rethel, son PC étant à la mairie d’Acy. Une première attaque déclenche des tirs de barrage de notre artillerie et se solde par un échec ; elle se renouvelle à 9h30 mais est à nouveau tenue en échec. A 15h30, l’Aisne est franchie à sa droite et en fin de soirée, des infiltrations ont lieu vers l’écluse d’Acy et l’ennemi progresse vers Avançon.

Les batteries françaises du 234° R.A et du 220° RA tirent sur Rethel, au Nord-Ouest de Rethel et sur Château Porcien. Chaque groupe effectue 3 000 tirs dans la journée. Elles sont l’objet d’attaques ciblées grâce aux observations du mouchard et doivent changer de place chaque fois qu’elles le peuvent…

Hélas, nos réserves sont insuffisantes face à la marée ennemie qui progresse en rangs serrés, d’autant plus que l’intensité des bombardements a détruit les liaisons téléphoniques entre nos régiments. Le général Klopfenstein (2° DI) tente une contre-attaque avec un bataillon du 73° RI, les restes du GRD et une compagnie de chars H39 dirigée sur la Retourne et Avançon, mais c’est un échec. Diverses attaques françaises se développent au Nord du Châtelet sur Retourne avec l’appui de quelques chars. Cela leur permet de faire des prisonniers et d’apprendre que trois divisions ennemies leur font face : 17° ID, 21°ID, 73° ID dont le gros va franchir l’Aisne cette nuit. La résistance se renforce au Châtelet avec le GRD et au tunnel de Tagnon avec le 73° RI en liaison avec la droite du 127°RI. Les villages de Tagnon et de Perthes renforcent leur défense et complètent le ravitaillement en munitions au cours de la nuit. L’ennemi peut tout observer de la rive Nord de l’Aisne.

3 régiments s’étalent d’Ouest en Est : le 5° RI, le 46° RI et le 24° RI.

Le 46° RI est muni de 4 pièces de 47 et de 4 pièces de 25. Il est appuyé par 2 groupes de 75. Le I/32° RA appuie le II/46° RI à Asfeld et le 317° RAP, le I/46 à Balham. Sont en réserve : le III/46° RI, 2 pièces de 47, 6 pièces de 25 + 4 au CDAC 10.

Tous les passages permanents entre Asfeld et Blanzy sont détruits, sauf deux passerelles sur le canal, l’une à 1 000m au Nord d’Asfeld (île de l’Ecluse) et l’autre à 500 m au Nord-Ouest d’Aire (deux issues de secours).

La défense des villages est renforcée avec la pose de mines, la construction de barricades et d’abris blindés pour les pièces de 25.

Après un intense bombardement survient une attaque ennemie. C’est un échec à Asfeld. Le II/46° RI résiste à Vieux les Asfeld. De violents combats ont lieu à Balham. L’ennemi utilise des lance-flammes, des tireurs nichés dans les arbres et lance des canots pneumatiques en divers endroits. Nous sommes submergés ; plusieurs franchissements réussissent. De violents combats se déroulent le long de l’Aisne, sur 4 km de rives, pendant plusieurs heures. Plusieurs points d’appui sont encerclés. De violents combats se déroulent dans « l’île » – entre Aisne et canal. L’ennemi finit par arriver au canal. Un ordre de repli arrive vers midi.

A l’écluse de Blanzy, les attaques surgissent de toutes parts. Une des trois mitrailleuses est détruite et les deux autres s’enrayent. Les rescapés – une dizaine- se regroupent dans la maison de l’éclusier et utilisent leur fusil pour maintenir l’ennemi à distance tout en économisant les munitions. Ils y réussissent jusque la remise en état des deux mitrailleuses qui permettent de faire reculer l’ennemi. Vers 8h45 arrive en renfort la 11° Cie du s/Lt Rousse Lacordaire qui permet de rétablir la situation, malgré une grave blessure du sous-lieutenant qui ne sera évacué qu’à la nuit. En de nombreux endroits, les positions n’ont pu être maintenues que grâce à l’arrivée de renforts et à l’appui efficace de notre artillerie.

Le commandement décide de réorganiser une nouvelle ligne de résistance plus efficace sur la rive Sud du canal. Les groupes situés plus au Nord doivent de replier jusqu’à cette ligne et les réserves disponibles devront avancer pour les rejoindre. Mais tous ces mouvements se font sous les regards de l’ennemi et du mouchard omniprésent. Un seul groupe parvient à se replier : celui du sergent Benoit avec trois hommes valides. Ils se maintiendront sur place jusqu’à épuisement de leurs munitions et seront capturés le lendemain.

La défense du vaste espace qui s’étend entre Aisne et canal, de Balham à Asfeld, pose de grosses difficultés. Sur la rive Sud du canal, la 5° Cie résiste assez bien. Mais l’ennemi a concentré des mortiers dans la partie Nord de cette île qui causent beaucoup de pertes dans nos rangs. Des tirs bien ciblés de notre artillerie les réduisent au silence. Tout redevient calme jusque 23 h, moment où l’ennemi tente de franchir le canal par surprise. Il tombe sur les FM de la 11° Cie qui a relevé ce qui restait de la 5°. C’est finalement un échec et l’ennemi se replie vers 1h du matin.

Dans le secteur de Balham, le I/46 repousse les tentatives de franchissement de la rivière avec l’appui des tirs du III/317° RA, rapides et efficaces.

Face à Vieux les Asfeld, le II/46° RI subit les mêmes attaques : bombardement continu et intense avec fumigènes puis attaque de l’infanterie dans une fusillade nourrie.

A l’Ouest, le 5° RI résiste farouchement jusque vers 7h mais un risque d’encerclement se fait jour et il demande du renfort. Des éléments de la 7° Cie arrivent.

L’ennemi parvient à franchir le canal entre Vieux et Asfeld. L’aile du 5° R I est coupée de son chef. Le 46° RI reçoit des renforts venus du 9° R I pour protéger Vieux.

La défense du secteur de Vieux reçoit le renfort d’une compagnie de chars H 35 (capitaine Michel) et le groupement n° 3. Mais le colonel pensait utiliser ces chars en appui d’une contre-attaque sur Aire ou Asfeld, localités très menacées. Le général Aymé, commandant la division, exige l’emploi des chars sur Vieux et le commandant du 46° RI s’incline. Mais il faut regrouper les chars, le personnel et le matériel sous le harcèlement de l’artillerie ennemie : cela demande du temps ! La contre-attaque débouche vers 17 h 40, chars en tête, sur deux échelons, devant l’infanterie. Évidemment, le mouchard observe tout. Dès que les chars arrivent sur la crête, ils reçoivent une avalanche d’obus venant de partout. Ceux qui veulent s’en échapper sont poursuivis. Les pertes sont terribles : 35 % de l’effectif est tué ou blessé ! Le groupement est disloqué.

Notre infanterie est clouée au sol à 2 km de Vieux. Nos chars atteignent Vieux. L’un d’eux pousse même jusqu’au canal. Mais ne voyant rien, il se replie. Le capitaine Michel (chars) est tué. Plusieurs blindés sont détruits. Le groupe revient derrière la crête et les chars rescapés sont envoyés sur Roizy et la Retourne. L’infanterie rescapée rejoint également Sault St Remy et Roizy.

Le front du 46° RI a pu tenir grâce à l’efficacité de l’artillerie et à l’héroïsme de l’infanterie.

A l’Est, l’avance de l’ennemi se poursuit jusqu’aux abords d’Avançon. Le PC du I/24° RI est encerclé mais une chenillette parvient à forcer le passage et à amener des munitions. Une deuxième aussi, vers 17h30, mais quand une 3ème se présente, elle est clouée au sol, à 300 m du but, par un antichar et détruite. L’ennemi bombarde de manière ininterrompue et, vers 20 h 30, attaque avec des automitrailleuses. Côté français, les munitions sont vite épuisées. Il est 21 h. Le colonel envisage un repli au cours de la nuit.

Le III/24° RI assure la défense du secteur où l’Aisne et le canal sont très proches. Les Allemands ont franchi le canal en plusieurs endroits. Des renforts arrivent et une attaque est lancée vers Blanzy. Vers 9h intervient une contre-attaque appuyée par de nombreuses mitrailleuses. Elle permet d’arrêter l’avance ennemie sans parvenir à la faire reculer. La situation est ainsi stabilisée jusqu’au début de l’après-midi. A 16h30 est lancée une contre-attaque par la 5° Cie dont seul le groupe Danree parvient jusqu’au canal. L’ennemi accentue sa pression sur Blanzy défendu par la 3° Cie. A 17 h, l’ennemi a progressé vers Avançon et maîtrise un secteur de plusieurs km malgré les tirs de l’artillerie française sur le secteur Blanzy-Ferme de Pargny. Les cultures en place, essentiellement du seigle aux tiges assez hautes et rigides, favorisent les infiltrations ennemies en les masquant à notre vue. Vers 17 h 30 apparaissent des chars ennemis ainsi que des automitrailleuses signifiant qu’un ou des ponts provisoires ont été mis en place.

A 19 h, les hauteurs dominant Blanzy sont perdues, le quartier Est également. L’ennemi est parvenu à la route Avançon-Blanzy. Côté français, le manque d’aviation d’observation ne permet pas de cibler les tirs de notre artillerie qui s’épuise à tenter de détruire les chars repérés.

Au soir du 9 mai, l’ennemi a franchi l’Aisne à l’Est, de Château Porcien à Nanteuil et Acy. Il construit un pont de guerre de 16 t à Nanteuil qui pourra être utilisé le lendemain 10 juin. Il occupe la côte qui fait face à Blanzy, entre la route d’Avançon et l’Aisne. Il s’agit maintenant de défendre Avançon et Saint Loup. La défense de Blanzy est renforcée afin d’en faire un réduit de résistance. L’artillerie s’est déjà repliée et ne pourra pas appuyer notre défense.

La situation est devenue inquiétante. On ne peut engager de contre-attaque en aveugle. Nos mouvements sont repérables sur le terrain ainsi que par l’éternel mouchard. Se pose la quetion du repli derrière la Retourne !

10 juin : la déferlante
Dès l’aube, une multitude de chars ennemis surviennent dans tous les secteurs.

Venant du secteur NANTEUIL-ACY

– au sud d’Avançon,

– au Chatelet sur Retourne venant du secteur de Rethel : 4 sautent sur des mines, les autres disparaissent,

– de Tagnon, suivis de motos et de camions allant vers Neuflize.

A 6h30, Le Châtelet est attaqué de tous côtés. Mais l’ennemi se heurte à une résistance efficace et ne peut pénétrer dans le village. Il subit de lourdes pertes. D’âpres combats se déroulent à la gare ; des infiltrations ont lieu : les défenseurs doivent se replier vers 18 h.

Des chars sont parvenus à la Retourne, à Sault Saint Remy et Roizy : ils filent vers Neuflize, le long de la Retourne.

Le groupe français d’automitrailleuses a des problèmes de liaison avec le PC de la Division. Vers 8 h 30, des ennemis accompagnés d’un gros char d’assaut arrivent à Bergnicourt qui résiste un certain temps mais est finalement envahi à 10 h 30. De violents combats se déroulent à Port Royal (près de Bergnicourt), allant jusqu’au corps à corps : l’ennemi est repoussé. Mais il utilise la vallée de la Retourne pour s’infiltrer et attaquer par l’arrière. A 17 h 15, les munitions commencent à manquer chez les Français. Ils se replient vers 21 h 30.

A l’Est

Des chars ennemis sont repérés au Nord de Neuflize vers 5 h 30. Ils semblent en attente. Le village subit le bombardement habituel. Des mines antichars sont rapidement posées par les défenseurs. Vers 7 h 30, on dénombre plus de 150 chars au Nord de la Retourne. Plusieurs sautent sur des mines. Un canon de 25 placé à la sortie Sud du village endommage plusieurs blindés mais il est finalement atteint et détruit. Les fantassins envahissent le village où se déroulent de violents combats de rue. Des chars tentent de pénétrer dans le village où des ponts sont restés intacts. Trois y parviennent dont deux seront ensuite détruits par nos tirs. Vers 9 h, le reste des chars semble se diriger vers l’Est. Les fantassins progressent alors maison par maison qu’ils incendient. Le dernier centre de résistance est celui du café de la mairie. Mais une attaque avec des prisonniers comme bouclier oblige à cesser toute résistance vers 18 h 30.

Poursuivant leur progression vers l’Est, une vingtaine de chars attaquent Alincourt le lendemain à 6 h. Le village est défendu par la 10° Cie du 73° RI qui résiste. Mais une nouvelle attaque survient à 10 h 30 avec des chars et de l’infanterie. 3 chars sont détruits ainsi que 2 automitrailleuses. Les fantassins du 73° RI se défendent maison par maison mais sont finalement submergés par le nombre. Le capitaine Sauvage, le lieutenant Chartier et le sergent Priau sont tués. Le groupe succombe à 12 h.

Il demeure plusieurs nids de résistance : le tunnel de Tagnon, Tagnon, Perthes. Les Allemands décident de les éliminer. Vers 10 h, la Cervelle est attaquée par le Sud. Sa défense est organisée par le capitaine Dautel, le lieutenant Consille et le capitaine Fontaine. Ils disposent de peu de munitions et d’aucune arme antichars. De nombreux blindés ennemis attaquent. Le lieutenant Consille est tué et sa section anéantie à la cote 142. Le capitaine Dautel tente de passer à travers les lignes ennemies mais il est blessé. Les survivants sont faits prisonniers. Quelques-uns réussissent à se glisser dans les blés et à gagner Perthes.

De nombreux éléments du 127° RI occupent le tunnel de Tagnon. L’ennemi s’approche à découvert et subit des tirs meurtriers. L’artillerie allemande se déchaîne alors, toujours guidée par le mouchard. L’ennemi s’infiltre de part et d’autre, encercle les défenseurs et les fait prisonniers.

A Tagnon, le colonel Terrier a organisé la défense du village. Des chars apparaissent vers 6 h mais attendent la venue des motocyclistes et de l’infanterie pour attaquer le village. C’est d’abord un bombardement intensif avec des obus incendiaires qui génèrent des incendies un peu partout. Des avions poursuivent le bombardement. Aucun Allemand ne pénètre dans le village avant midi mais les défenseurs ont du mal à trouver une protection. Vers 13 h, l’étau se resserre. Les défenseurs ne fléchissent pas mais ils comprennent que leur position est sans issue. Le lieutenant de Coninck détruit cinq chars à lui seul mais à 16 h, à court de munitions, le colonel Terrier ordonne de se rendre.

A Perthes, le bombardement commence vers 4 h du matin à une cadence infernale. A 7 h, toutes les liaisons radio sont coupées, sauf vers l’arrière. A 14 h, des vagues d’assaut attaquent au Nord, appuyées par des tirs de mortiers. Finalement des attaques démarrent des quatre côtés du village, avec des prisonniers comme bouclier, un pistolet dans le dos. Des incendies se déclarent en divers lieux. Vers 16 h, des ennemis parviennent à se glisser entre des maisons. A ce moment le groupement blindé Buisson parvient sur le secteur. Privé de tout renseignement, il décide seul : la 7° DLM est envoyée sur la Retourne alors que la 3° DCR se dirige sur Perthes afin de dégager le 127° RI. Un bataillon de chasseurs du 3° RDP accompagné de chars B1 bis de la 3° DCR pénètre dans Perthes. Le repli s’exécute en suivant le chemin d’arrivée des chars : les chasseurs avec leurs chenillettes, puis les éléments du 127° RI. Certains groupes s’égarent et tombent sur l’ennemi qui les fait prisonniers. Les batteries doivent être abandonnées.

Un ordre de repli général fixe la nouvelle ligne de résistance sur la Suippe.

Venant du secteur CHATEAU PORCIEN-SAINT LOUP

En prévision d’une attaque imminente, chacun doit faire un trou pour se protéger, mais ne n’est pas facile dans la craie et avec peu de pioches. A 4 h, peu de trous sont creusés quand l’artillerie allemande commence ses tirs. Quand surviennent les fantassins, ils se heurtent à nos avant-postes dont le ravitaillement en munitions pose rapidement problème puisque nous sommes en plein à découvert.

4 chars de la 2° Cie du 23° BCC, venant de Saint Loup, avancent en direction de Tagnon pour protéger les troupes qui décrochent.

De nombreux chars ennemis ont franchi l’Aisne et le canal au cours de la nuit. Ils attaquent à 6 h et submergent la cote 146, progressant d’Est en Ouest en suivant l’ancienne voie romaine. Le PC installé au Signal de Saint Loup tient jusque 8 h. Des éléments ont pu se replier à travers bois : GRCA, 6 et 7 Cies. Les blindés encerclent Saint Loup vers 7 h, passant par les jardins pour éviter les barricades (le mouchard les a renseignés !). L’infanterie suit. Les membres du PC détruisent leur matériel et se replient sur Roizy par les couverts du ruisseau de St Loup. Le colonel reste avec deux officiers d’état-major.

Une dizaine de chars ennemis circulent au Nord de Saint Loup et 23 au Nord de la route Avançon-Saint Loup. De violents tirs d’artillerie ennemis et l’intervention de l’aviation disloquent la résistance française des 6° et 7° Cies du 73° RI dont les tirs de mitrailleuses ralentissent la progression de l’infanterie. Des chars ennemis bloquent l’avancée de la Cie Roussel du 23° BCC : le char du lieutenant Nantas est détruit. Ordre est donné de se replier derrière la Retourne mais le passage de la rivière est difficile : 30 à 40 chars ennemis les talonnent. Un char français reste bloqué et brûle alors que l’équipage gagne la rive à la nage. Il ne reste que 2 chars et le pont est détruit : ils sont sabordés.

Vers 7 h, Saint Loup est débordé, le PC du 24° RI, assiégé. Le PC du III/73° RI est encerclé et résiste jusque 8 h.

L’ennemi poursuit ses attaques locales : le 33° RI et le II/73° RI subissent des pertes importantes. A la 7° Cie du 73° RI, le lieutenant Beirnaert, jeune chef exigeant et courageux galvanise ses troupes pour qu’elles résistent aux assauts. Mais il faut céder et reculer en utilisant les ondulations du terrain. Le Lt est tué, 3 chefs de section sur 4 également. Les pertes sont très nombreuses.

Attaquant par l’Ouest et le Nord, l’ennemi disloque notre défense et cause des pertes sensibles aux 6° et 7° Cies dont les rescapés sont finalement capturés.

Vers 8 h, l’ensemble du II/73° RI est submergé. Avançon tombe aux mains de l’ennemi. Vu la situation, le 46° RI pivote en direction de Saint Loup, mobilise tout le personnel et met en alerte la Cie de chars. Dès 7 h 30, des blindés ont été observés, dévalant vers Roizy et Sault St Remy. Les pièces du 32° RA déclenchent des tirs pour ralentir leur progression. Mais des chars arrivent de partout et les éléments du 24° RI refluent.

Dans le bois Jean Claude, vu l’évolution rapide de la situation, le colonel décide vers 9 h, de détruire ses archives secrètes et conseille aux officiers de son état-major de se replier. Mais tous refusent.

Des chars lourds ennemis et de gros mortiers se positionnent à 200 m et déclenchent des tirs sur le bois Jean-Claude, ce qui engendre des pertes importantes. Un canon de 75 tire sur les chars. Des tirs de mitraillettes jaillissent de partout. Vers midi, plusieurs dizaines de chars ennemis entourent le bois avant d’y pénétrer. Chacun se replie comme il peut et gagne Sault Saint Remy qui se défend jusqu’au soir.

Vers 9 h 30, une trentaine de chars apparaissent se dirigeant vers la ferme de Vauboisson (entre Roizy et Asfeld). Deux pièces de 47 ouvrent le feu mais sont aussitôt détruites par des coups directs. L’infanterie allemande suit.

Vers 10 h 30, le point d’appui de l’adjudant-chef Davoine est attaqué par un groupe de chars qui se heurte à une résistance héroïque pendant 2 h sans disposer d’antichar. L’ordre de repli arrive. Il est exécuté sous la protection d’un FM et de ses servants qui tirent sur les chars avec des balles perforantes. Un char les rattrape et écrase les servants sous ses chenilles (témoignage du capitaine Abauzit). Vers midi, le repli est général.

Plus à l’Ouest, vers Sault St Remy et Houldicourt, des chars et de l’infanterie portée apparaissent vers 8 h. Un canon de 75 posté à Sault St Remy effectue des tirs sur les chars jusqu’au soir. Les fantassins apparaissent vers 9 h et sont accueillis par des tirs meurtriers.

Vers 10h, apparition d’une colonne motorisée sur la crête allant vers la cote 115 (Horle des Blaireaux) : chars, camions citernes, motos. Notre artillerie les prend pour cible. Un camion citerne flambe. De nouveaux chars apparaissent venant de la direction du Mont d’Aire. Un canon de 75 les poursuit : plusieurs chars sont incendiés mais le 75, pris pour cible est détruit et le capitaine Dubois tué.

Vers 11 h, un groupe de chars ennemis dévale la côte du Mont de Blanzy (proche de Vauboisson) et sont la cible d’un 75 qui en détruit 3 mais est aussitôt détruit. Le groupe Chevaleau est encerclé et fait prisonnier.

Vers 14 h, des combats ont lieu au Sud de la Retourne entre notre artillerie et les chars. Sault St Remy est toujours entre nos mains et résiste jusque 18 h.

Entre 16 et 17 h, une nouvelle attaque sur Sault St Remy est accueillie par les tirs d’un 75 qui ralentit de ce fait la progression ennemie.

A 18h, un barrage d’artillerie ennemi prend toute la ligne de résistance pour cible et dure une heure entraînant des pertes sévères dans les rangs français. Un 75 est atteint et détruit. Des dépôts de munitions explosent. Une masse de chars et de fantassins attendent l’ordre d’assaut.

A 19 h se déclenche une attaque générale. 200 chars suivis de fantassins prennent les points de résistance comme cible et concentrent leur tirs. On compte à nouveau de nombreux blessés et tués. Le capitaine Abauzit est capturé.

En plusieurs endroits, les chefs de chars sont sortis de leur tourelle et semblent parader. Certains Français se couchent dans les blés pour mieux les cibler. En réponse, les mitrailleuses des chars entrent en action et arrosent les blés pour éliminer ces tireurs. Le capitaine Bastiani est capturé. C’est la fin du groupe du 319° RAP. Tous les canons sont détruits. Sur 9 officiers, 2 sont tués et 5 blessés.

Vers 20 h, la ligne d’arrêt du 46° RI est aux mains des Allemands. Des groupes ont toutefois réussi à franchir la Retourne et à rallier le chef de Bataillon Santoni. Un ordre de repli général signé du général Ayme, commandant la 10° DI, est arrivé à 12 h mais n’a pu être diffusé. 19 chars allemands ont été détruits.

À ASFELD et VIEUX LES ASFELD

Sur le canal, à Asfeld, la nuit du 9 au 10 a été calme sauf l’écho d’une fusillade permanente à l’Ouest du village. Le ravitaillement en munitions se fait par chenillettes à partir de Sault St Remy. Le ravitaillement en vivres est plus partiel.

A 4 h 15, des attaques allemandes venant de Vieux et se dirigeant vers le cimetière d’Asfeld sont accueillis par une fusillade dense et font demi-tour.

A 6 h, on assiste à des poussées sur le canal et sur la gare d’Asfeld tenue par le 5° RI. La défense du Sud d’Asfeld est assurée par les 5° et 9° Cies du 46° RI avec le sous-lieutenant de Charpin et 2 canons de 25. Ce groupe est de plus en plus isolé et le ravitaillement en munitions est devenu impossible. A 8 h 30, des forces blindées et motorisées ennemies avancent sur Vieux. L’attaque se généralise ; nos positions subissent de violents tirs d’artillerie de 9 h à 12 h, guidés par l’éternel mouchard. Le 5° RI doit abandonner la gare et se replier dans Asfeld.

Vers midi, la Cie du 9° RI est balayée par l’attaque et se replie dans Asfeld. Le lieutenant Craquelin est tué. Nos troupes demandent une contre-attaque mais leurs demandes ne peuvent parvenir à leurs destinataires. Vers 14 h des colonnes ennemies progressent sur l’axe Vieux-Asfeld cimetière avec l’appui de tirs d’artillerie et de mortiers. Elles se heurtent à notre défense et subissent des pertes importantes. Mais elles sont suivies par d’autres colonnes. Vers 18 h 30, des chars ennemis arrivent du Sud d’Asfeld, prenant nos défenseurs à revers. Le sous-lieutenant de Charpin est grièvement blessé et ramassé par les Allemands. Seuls 3 hommes peuvent s’échapper le soir venu.

Les restes de la 7° Cie se replie à l’Est d’Asfeld pour organiser un réduit fermé avec les restes de la 6° Cie. Vers 18 h 45, l’ennemi pénètre dans le Sud-Ouest d’Asfeld et avance jusqu’aux lisières Nord. Des fantassins ennemis sont amenés à l’entrée du pont de l’Aisne. Ils sont accueillis par des tirs de mortier de la 7° Cie. Des blindés, des engins chenillés, des motos circulent en tous sens en arrière d’Asfeld. Vers 20 h, des blindés investissent le Sud d’Asfeld. Ce qui reste des 6° et 7° Cies doit se replier de nuit sur la croupe 106. Le Lt Dupuis du 5° RI a préféré ne pas suivre le 46° RI et se dirige vers la Retourne qu’il commence à franchir. Mais il se heurte à l’ennemi et sera capturé le lendemain.

BLANZY, AIRE et BALHAM : un centre de résistance tenace !

A Balham, au I/46° RI, la nuit du 9 au 10 est plutôt calme et permet des ravitaillements en munitions et en vivres. L’ennemi a massé des quantités de chars dans les couverts et les mouvements de terrain hors de la vue de nos positions. Dès l’aube, on enregistre une poussée sur l’aile droite, sur Aire et Blanzy. Dès 6 h, ils attaquent en masse, progressant d’Est en Ouest. Vers 9 h, des chars attaquent sur le bois de la Croupe 121 ; une colonne motorisée, venant de Vieux, les rejoint.

De nombreux camions déversent quantité de fantassins. Vers 11h, des colonnes allemandes partant de la croupe 121 se dirigent sur Aire, tournant ainsi notre dispositif de défense par le Sud. Vers 11 h 30, une compagnie allemande venant du Sud est la cible de nombreux tirs. Elle se disperse et disparaît de la vue. Mais aussitôt démarrent de nombreux tirs d’artillerie et de mortiers qui durent tout l’après-midi. A 17 h 30, les tirs redoublent d’intensité puis cessent, pour laisser la place à une attaque de fantassins accompagnés de blindés. Elle est stoppée par notre centre de défense : 3 chars sont détruits ; les autres se replient sur la cote 121. Le bombardement d’Aire s’accentue. A 19 h 30 survient une nouvelle attaque venant du Sud de Blanzy, se dirigeant vers Aire. Elle est de nouveau brisée. Aire subit un nouveau pilonnage. A 21 h, une nouvelle attaque parvient jusqu’au cimetière mais est à nouveau cisaillée par nos tirs croisés : elle se replie.

Blanzy est toujours tenu et défendu par le III/24° RI à l’Est et la 5° Cie du 46° à l’Ouest. Le village est la cible de violents tirs d’artillerie et de mortiers. L’ennemi attaque dès 4 h, cherchant à encercler le village. Au Nord, la 9° Cie doit céder du terrain. A 5 h 45 le capitaine Soye, adjoint au chef de Bataillon, quitte le PC du Bataillon menacé et se rend à Blanzy pour organiser sa défense. L’encerclement par le Sud se réalise. Il faut donc se défendre sur trois côtés et se garder à l’Est, du côté du 46° RI, également menacé. Une forte pression s’exerce à partir de 15 h tout en maintenant le bombardement de la cité. En fin d’après-midi, le chef de Bataillon envoie un message au chef de Bataillon Blanc du I/46° RI : munitions épuisées. Vers 17 h, l’ennemi fait intervenir des chars. La résistance des défenseurs ne faiblit pas malgré le manque de soutien de l’artillerie. Mais les munitions commencent à se raréfier ! Vers 18 h, débute un bombardement avec du gros calibre et des obus incendiaires. Appuyée par des chars et des tirs de mortiers, l’infanterie parvient à avancer dans la partie Sud. Le village est en feu. La 3° Cie doit céder du terrain. Débute alors un combat de rues. On se bat maison par maison. A 19 h 30, tout Blanzy est presque conquis sauf un groupe de maisons au Nord, en bordure du canal, où nos troupes résistent jusque 23 h. La nuit, un groupe de 150 hommes longe le canal avec le lieutenant Lombard (3° Cie) et atteint la Suippe à Boult sur Suippe.

C’est la fin du 24° RI. 400 hommes ont pu se replier et sauver le drapeau du régiment.

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11 juin

Bizarrement, la nuit du 10 au 11 est assez calme. A l’aube, les I° et II° Bataillons du 46° RI encerclés depuis 24 h attendent une contre-attaque. Ils sont en bordure du canal et n’ont plus de munitions.

Dans le quartier de Balham, l’artillerie allemande est maintenant au Sud de l’Aisne. Vers 7 h 30 se déclenche un bombardement sur Aire et la cote 140 (La Mortelle). A 8 h démarre une attaque concentrique qui se heurte à une riposte vigoureuse qui brise son élan. L’ennemi change alors de tactique et se résout en petits groupes qui progressent à leur rythme. Comme les munitions sont presque épuisées, nos troupes en font un usage sélectif : tirs à courte distance avec des grenades, des mitraillettes, des mortiers ; les dernières munitions sont réparties à 9 h 30. Ces combats rapprochés sont très meurtriers et se terminent parfois à la baïonnette. A 11 h 15, la décision est prise de cesser le combat.

Au quartier d’Asfeld, le mot d’ordre est toujours de tenir sur place. A 10 h 30 est envoyée une demande de munitions et de contre-attaque en vue de dégager Aire, mais elle reste sans suite.

A 10 h 35, les munitions sont épuisées au II/46° RI ; l’ordre de cesser le combat est donné vers 10 h 40.

Isolées, décimées, encerclées, à court de munitions, toutes les unités françaises engagées sur l’Aisne disparaissent au cours de ces 10 et 11 juin.  Hormis les morts et les blessés, très nombreux, les troupes sont en grande partie prisonnières, mis à part une faible partie qui a pu s’échapper et rejoindre l’arrière. Les prisonniers ne reverront la France qu’en mai-juin 1945, CINQ ANS après ! Le régime de Vichy, allié des nazis, les a traités de déserteurs, de lâches, de fuyards : comme vous le constatez, ce sont de purs mensonges mais qu’on retrouve hélas encore aujourd’hui, en 2023 !!

Les villages sont parsemés de stèles à la mémoire de ces combattants.

En voici quelques-unes proches d’Avançon :

24e RI et 9e Cie 33e RI

Lt Beirnaert 73e RI et Caporal Lestringant

ANNEXE

Quelques mots sur la division voisine qui a défendu la rive sud de l’Aisne jusque la Suippe et au-delà. Il s’agit de la 42° Division d’Infanterie. Un jeune, Sébastien Nicolas, d’Auménancourt, passionné d’histoire locale, secrétaire de l’association historique 15-1 juin 40, a fait de remarquables travaux de recherches, les a rassemblés dans un important document intitulé Deux jours de juin. C’était en 2004-2005. Nous avons échangé puis nous nous sommes perdus de vue. Je ne sais si ce travail a été imprimé et diffusé. Un certain nombre d’éléments méritent d’être connus :

1 – la présence et la mort de Léo LAGRANGE, ancien ministre de la Jeunesse du Front populaire, engagé volontaire dans la lutte contre les nazis. Il était officier de liaison d’artillerie du 61° Régiment d’Artillerie, détaché auprès du 151° RI. Il tombe le 9 juin, au cours d’une reconnaissance devant Evergnicourt, probablement surpris par un intense bombardement. Blessé, il est soigné au poste de secours, mais c’est le repli général et on n’en sait pas plus. Son épouse informée se débat pour en savoir davantage, sans succès. En février 1941, un officier allemand déclare avoir inhumé le 9 juin à Evergnicourt un officier français ancien ministre, sans doute décédé des suites de ses blessures. La sépulture enfouie dans les buissons, fut retrouvée par hasard par le cantonnier d’Evergnicourt. La dépouille de Leo Lagrange fut transférée au cimetière d’Avaux, commune voisine d’Evergnicourt. Une stèle en son honneur fut toutefois érigée à Evergnicourt.

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est image-18.png.

2 – Le sort du sous-lieutenant De THUBERT, commandant la 3° section de la 3° Cie qui résiste avec son groupe jusque 17h, où ils sont faits prisonniers. Le sous-lieutenant est emmené par deux Allemands, dont l’un a un revolver à la main. Derrière de petits bosquets assez touffus, ses camarades ont entendu un coup de feu. Un officier allemand dit alors : « L’officier français doit mourir car il a fait tuer trop des nôtres ! ». Le corps fut jeté dans un trou creusé par ses camarades prisonniers, sans casque ni signes de reconnaissance permettant de retrouver la tombe. De fait, il n’a jamais été retrouvé…ou presque.

Et combien d’autres !! Les troupes allemandes étaient furieuses de la résistance opposée par le 151° RI. Le général Keller qui commandait le régiment, a écrit que le 151° a perdu en cette seule journée près de la moitié de son effectif, soit environ 1 200 hommes.

Grâce à la ténacité des recherches effectuées, le corps du sous-lieutenant De Thubert fut retrouvé en juillet 2003 et inhumé dans le cimetière de Brienne sur Aisne.

3 – Dans la masse de documentation rassemblée par l’association figure un long témoignage de l’aspirant Raymond BOVERAT du 151° RI, Cie régimentaire d’Engins. Il raconte son repli :

« En entrant à Witry, après avoir parcouru 7 km, nous franchissons la ligne de chemin de fer qui va de Reims à Rethel. Nous nous trouvons alors en face d’un SPECTACLE STUPÉFIANT : il y a là une grande gare de triage où sont rangées au moins une dizaine de rames de wagons-plateformes et tous ces wagons portent des chars et des canons antichars flambant neufs : de quoi armer la moitié, sinon plus, d’un régiment de blindés !

Il est affreux de penser que ces chars qui nous ont tant manqué hier et qui nous permettraient encore aujourd’hui de repousser les Allemands et ces antichars dont nous avons tellement besoin, vont tomber intacts aux mains de l’ennemi… ».

Comme il le signale : c’est totalement stupéfiant !! A-t-on cherché pourquoi et par quels ordres cela s’est produit ???

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Sources :

  • Atlas de cartes allemandes jour par jour : des zweite Weltkrieg-10 mai-25 juin 1940- Im Kartenbild von Klaus Jürgen
    THIES – Band 3 – Biblioverlag Osnabrück 1994
  • Les combats de Rethel à Asfeld -Revue de la société Les amis du musée du Rethélois et du Porcien : 2-1985, 2-1990, 1-1991, 2-1995
  • Historique du 46° Régiment d’Infanterie par le colonel Fournier
  • Le 24° Régiment d’Infanterie sur l’Aisne par le colonel Sausse
  • Historique du 19° GRCA
  • Le Lion des Flandres à la guerre : 2° Division d’Infanterie par le colonel Villate
  • Le 33° Régiment d’Infanterie -campagne 39-40
  • Navarre : le 5 dans la seconde guerre mondiale
  • Avançon : en hommage aux soldats de 1940 par M.A. Michelet maire 2000
  • Rethel 1940 par Lieutenant-colonel Le Goyet Revue Historique des Armées ….
  • le 151° Régiment d’Infanterie
  • Deux jours de juin – étude faite par l’association historique 15-1 juin 40
  • La 52° Division d’Infanterie : le 151° RI (Evergnicourt) -Léo Lagrange- De Thubert- rapport de l’aspirant Boverat
  • 60° anniversaire de la bataille de l’Aisne : combats livrés à Vieux les Asfeld par le 5° RI les 9 et 10 juin
  • Ferme de Pargny : les tombes et la position des corps
  • Précisions concernant la mort de 4 soldats le 9 juin au Chemin des Limons (N de Saint Loup)
  • divers documents allemands notamment des témoignages de pionniers allemands du 653° PionBat